Résumé: Qu'est-ce qui construit un individu ? Ses souvenirs ? Les souvenirs qu'il en a ? Les bons moments du passé ? Les mauvais ? Les adultes que l'on a eus pour tuteurs d'enfance ?
Avec une honnêteté totale, Gwen de Bonneval part à la rencontre de Gwen de Bonneval, à la redécouverte d'une enfance pas si heureuse que ça. Avec une mère lunatique et violente, un père absent ou encore la figure écrasante d'un grand-père ancien déporté et aide de camp du Général de Gaulle. Mais l'auteur du Dernier Atlas et de Messire Guillaume est aussi un homme d'aujourd'hui et de demain, puisqu'il explore son présent de jeune père ainsi que le futur du monde, qu'il pressent écologiquement très sombre.
À travers les interrogations de Gwen de Bonneval, chaque lecteur se surprendra à faire le point sur sa propre singularité de vie. Mais aussi sur ce qui l'unit à tous les autres, grâce à ce récit de vie universel.
L
a crise existentielle, la fameuse, celle qui touche tout le monde à un moment ou un autre dans le cours de la vie. À l’adolescence chez les plus précoces, sinon à quarante, cinquante, soixante ans pour les autres. Remise en question, retours, parfois douloureux, vers le passé, constatation du temps qui file alors que ses propres enfants grandissent. Ai-je fait les bons choix ? Et la planète qui se délite devant nos yeux du fait de nos abus ! Qui suis-je vraiment et quel est mon rôle dans tout ça ? Voilà, en très résumé, dans quel état d’esprit se trouve Gwen de Bonneval. Une petite (façon de parler) mise au point dessinée s’impose pour y voir plus clair.
Introspection sans détour, Philiations rassemble tous les doutes, peurs et pistes de rationalisation que le dessinateur des Derniers jours d’un immortel cogite depuis quelques temps. Racontées comme elles viennent, les anecdotes et les réflexions mettent le lecteur en phase directe avec le cerveau de l’auteur. Les souvenirs, les craintes et l’amour que ce dernier porte aux siens sont posés côte à côte sur le papier, comme ça vient. Les liens, quand il y en a, peuvent être directs ou brumeux suivant les cas. Le but est de trouver un sens à tout ça (la vie, rien de moins) ; comprendre les raisons de la situation actuelle et, dans la meilleure des hypothèses, agir pour établir ou rétablir un semblant d’harmonie. Cette proposition vous semble un peu confuse ? Elle l’est davantage pour l’auteur ! Et ménagez-vous une place pour une petite gêne, vous n’avez encore rien vu. Les prémices d’autres crises ou incidents potentiellement dramatiques sont suggérés à la fin de ce premier tome.
Au-delà de l’impression de payer la séance de psy du scénariste, force est de constater que Philiations se révèle être un ouvrage rempli de surprises et d’éléments susceptibles d’éclairer sa propre lanterne. Il faut dire que l’ouvrage brasse large et que la famille De Bonneval recèle un bon nombre de personnages étonnants. Un des grands-pères a été l’aide de camp du général De Gaulle de la fin de la guerre à sa disparition, par exemple. De plus, impossible de ne pas être touché par la prévenance et la confusion de Gwen quand il apprend à gérer au jour le jour un fils en détresse psychologique dès le plus jeune âge. D’ailleurs, les racines de ces troubles ne seraient-elles pas cachées quelque part dans l’arbre généalogique familial ?
Album total à la narration sincère et franche, Philiations est avant tout une autobiographie sensible. Le focus sur la formation des souvenirs, en particulier, se montre éclairant et provoquant d’une certaine manière. Il s’agit des éléments principaux avec lesquels tout être humain se construit, mais sont-ils seulement fiables ?
Les avis
Erik67
Le 08/06/2025 à 05:35:07
Je ne connaissais pas vraiment Gwen de Bonneval dans ce registre. J'avais beaucoup aimé « Messire Guillaume » qui avait d'ailleurs été récompensé en 2010 à Angoulême. J'avais cependant un peu moins aimé « Le dernier Atlas » qui a pourtant eu un succès d'estime. Depuis, je l'avais un peu perdu de vue.
Je le retrouve pour ce roman graphique où il s'inscrit en auteur complet sur une autobiographie des plus intéressants où nous allons revenir sur son enfance que l'on découvre plutôt difficile. A vrai dire, je croyais que Gwen était un prénom féminin et du coup, je me suis un peu fourvoyé en découvrant cette autobiographie. Il faut savoir qu'il peut être porté par des hommes dans des cas assez rares.
Dans cette œuvre, il est question de la construction d'un individu et de ses souvenirs qui remontent à la surface petit à petit comme autant de traumatisme qu'on avait caché et enfoui comme une sorte de protection face à une réalité parfois cruelle. La transmission sera également au cœur de ce voyage introspectif d'où le titre.
Certes, les mauvaises langues remarqueront que le nom de l'auteur est écrit plus grand que le titre de la BD sur la couverture ce qui peut parfois souligner un égo un peu surdimensionné. C'est bien entendu à chacun de se faire sa libre appréciation. Je ne porterais aucun jugement de ce type. Je ne sais si c'est commercialement vendeur.
L’esthétique épurée est séduisante et colle parfaitement au récit. J'ai bien aimé cette rondeur du trait. Le fait de changer de couleur à chaque séquence tout en gardant la bichromie m'a également assez séduit.
Par ailleurs, on remarquera une mise en page assez inventive par moment ainsi que des cases assez surprenantes comme la rencontre avec son « moi » à plusieurs époques différentes de sa vie. Cependant, lorsqu'ils sont tous là en même temps, cela produit son effet !
J'ai parfois eu un peu de mal car on saute d'un sujet à l'autre à la manière d'une séance de psychanalyse. On peut ainsi passer de la survie de notre planète à la violence faite aux enfants. La peur et le traumatisme semblent être au cœur de cette mécanique qui s'emballe parfois.
Certains lecteurs peuvent avoir le sentiment d'en avoir un peu marre de lire des albums où les auteurs mettent en scène leur souffrance intime pour les concrétiser sous forme d'album expiatoire. On a parfois envie d'autre chose. Je peux les comprendre également.
D'un autre côté, si c'est bien construit, cela peut également nous permettre d'avoir un témoignage intéressant pour trouver quelques points communs et avoir une approche pour avancer. Encore faut-il que cela soit bien structuré ce qui ne sera pas tout à fait le cas dans cet album qui n'est que le premier tome d'un diptyque. Certes, il y a des défauts mais n'oublions pas les qualités !
En conclusion, un récit introspectif que j'ai trouvé tout de même assez franc et sincère et au final, d'une rare sensibilité. Je suis plutôt preneur !