Le 06/02/2025 à 09:35:19
Cet album est l'occasion pour Urban d'inaugurer une nouvelle collection "Blast" orientée jeunesse-ado et remplaçant les collections Urban Link et Urban kids, dans un format comic souple. Une nouvelle expérimentation pour l'éditeur qui multiplie ces dernières années des tentatives courageuses pour tenter de briser les murs invisibles autour de la BD américaine et son lectorat de niche. Certains râleront déjà sur le prix de 15 euros pour un format compact sans reliure (c'est vrai qu'on peut s'interroger en comparaison du tarif très compétitif des Urban noir reliés classiques) mais personnellement je trouve que voir revenir un format historique du comic chez nos éditeurs français traditionnellement marqués par des albums rigides est intéressant. Après cette petite introduction éditoriale, passons à la BD proprement dite. Il n'est pas nécessaire de présenter Brian Michael Bendis mais le portugais André Araujo est encore trop peu connu au regard de son importance graphique et je pense que cette nouvelle série indé sera sa consécration comme un des dessinateurs majeurs de la BD mondiale. Car outre la maestria visuelle qui vous saute au visage dès les premières pages (et qui continue tout au long de l'album), c'est un véritable hommage à toute l'histoire de la BD SF. L'auteur convoque d'ailleurs en fin de tome trois des grands maîtres de l'histoire de la BD que je vous invite à identifier en commentaire de ce billet! A la croisée du manga, du comic et de la BD franco-belge, Araujo dépeint un monde fantasmagorique en axant ses planches sur la vitesse et l'action permanente (un peu à la manière d'un Fabien Bedouel), dans des décors d'une finesse que ne renierait pas Mathieu Bablet (Shangri-la). Assumant totalement l'esprit jeunesse proche du shonen, Bendis et Araujo nous font suivre un jeune idéaliste qui formera un trio explosif dont le Cyper, sorte de chevalier alien ou robot au design totalement génial, mais aussi cette jeune fille impertinente qui fait penser aux créations de Travis Charest (enfin de retour grâce à Million-dollar-Millar sur The Ambassadors) autant qu'au Steamboy d'Otomo. Vous l'aurez compris, ce volume, par la qualité de son dessin, par la folie totale des designs, par la multitude de références, est une déclaration d'amour à tout ce que la BD mondiale a pu créer d'univers fantastiques et SF, de quêtes naïves faites de chevaliers (Jedi ou pas), de puissances destructrices et de monstres léviathan. Pour accompagner ce worldbuilding de son compère, Bendis laisse l'explication de l'évolution de la Terre très mystérieuse, pour s'éclater sur un langage qui fait penser à un traducteur automatique déréglé ou à un jargon d'ailleurs qui détourne la langue par des extrapolations et jeux de mots. Par moments cela peut devenir difficile à suivre mais l'esprit délirant nous plonge dans cet humour involontaire des personnages autour de ce chevalier bourru et de son compagnon d'un moment et c'est jouissif. Démarrant au milieu d'un récit, jouant sur des mises en abyme des narrations dans l'histoire, les auteurs nous offrent un incroyable chant qui loue les imaginaires sous toutes leurs formes et d'une générosité incroyable. Vous l'aurez compris, c'est un coup cœur comme je ne l'attendais pas et qui vient une fois de plus de la BD américaine indépendante, principal vecteur de vivacité créatrice dans la BD mondiale depuis quelques années maintenant.BDGest 2014 - Tous droits réservés