Résumé: Une certaine idée de l'apocalypse...
De sa production en bande dessinée, on connaît principalement de Liberatore sa série culte, Ranx. Pourtant, en près de quarante ans de carrière, cet auteur virtuose a dessiné de nombreuses histoires courtes. Plusieurs de ces nouvelles avaient déjà été réunies dans le recueil Vidéos Clips, publié par Albin Michel en 1984, dont voici une édition enrichie. En plus des toutes premières créations de l’auteur, publiées en Italie à la fin des années 1970, seul ou aux côtés de son fidèle complice Tamburini, le lecteur pourra y découvrir des histoires publiées depuis dans L’Écho des Savanes – mais inédites en album – et écrites par Alain Chabat, Tonino Benacquista ou encore Georges Wolinski. Ce recueil contient également une histoire totalement inédite, écrite par Jean-David Morvan, mettant en scène l’univers des clubs de rencontre au Japon. Mais quels que soient les traitements graphiques (noir et blanc ou couleurs), les personnages mis en scène, la longueur des histoires et le ton de celles-ci (décalé ou premier degré), un fil conducteur se détache : ultraviolents, hyperréalistes, anti-politiquement corrects et intensément érotiques, tous ces récits montrent un univers sombre, désabusé et absurde au bord de la rupture... Comme un parfum de fin du monde que Liberatore magnifie, d’un trait salvateur et puissamment punk.
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anino Liberatore cultive le goût de soufre ! Petites morts revient en six chapitres sur plus de quarante années de transgression : des premiers travaux inachevés de 1974 à un inédit de 2013 scénarisé par Jean David Morvan.
Au cours de cette promenade, le dessinateur transalpin se confie progressivement, par bribes, sur ses diverses expériences graphiques. De sa difficulté à faire de la « vraie » bande-dessinée, à sa passion pour l’illustration en passant par son souci du « bon » cadrage ou ses expérimentations pour renouveler le plaisir de dessiner, il démontre qu’il existe une vie en dehors de Ranxerox. Au fil des planches, il est aussi question de ses publications dans Il Male, l’Écho des Savanes, ou Hustler, de ses rencontres avec Pratt ou de son admiration pour Moebius, de l’importance du cinéma dans son travail ou le la musique, qu’elle soit de Zappa ou de Miles Davis. Loin de la biographie ou de l’intégrale, l’auteur a procédé à une sélection de morceaux choisis pour illustrer ses collaborations au bonheur varié, expliquer ses sources d’inspiration puisées dans l’air du temps. Il est aussi question de de son rapport au sexe et à la violence, parfois difficile à cerner, mais qui nourrit un dessin, dérangeant parfois, mais d’un réalisme et d’une puissance rares.
Alors ces fragments de chaos ne feront pas de tout à chacun un exégète de l’irrévérencieux maestro, mais ils permettront de mieux le décrypter. Et, qui sait, d’apprécier un artiste hors pair qui ne laisse pas indifférent.