Résumé: Une série quasiment muette sur un père et son fils faisant cent farces et vivant milles aventures. Écrites entre 1933 et 1936 par un caricaturiste ostracisé par le pouvoir nazi, cette série rencontra un succès énorme malgré -ou peut être à cause- de l’époque lourde. Le père, sorte de Dupont rondouillard et son fils, petit Gaston sans gros nez, traversent la vie quotidienne, s’offrent des cadeaux, font l’école buissonnière mais aussi gagnent un héritage, vivent sur une île déserte et partent dans les étoiles… Un monument toujours aussi moderne et inventif, plein d’humour et d’amour, tout en douceur et la fantaisie.
N
é en 1904 dans l'Est de l’Allemagne, Erich Ohser était reconnu comme un caricaturiste de presse et un illustrateur de talent. Militant marqué à gauche, il se vit mis à l'index lors de la prise de pouvoir du Parti national-socialiste. Refusant pour autant de quitter son pays, il finit par obtenir un permis spécial au Ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande à la condition de ne pas parler de politique. Il est également contraint d'abandonner son nom et de travailler sous un pseudonyme : e.o.plauen, en référence à sa ville natale. En 1934, il crée, pour le Berliner Illustrirte, Vater und Sohn (Père et Fils), des strips humoristiques mettant en scène un père et son fils dans des situations burlesques. Contre toute attente, le succès est immense. Lassé par la pression des Nazis qui voient dans son travail un moyen de propagande, il met un terme à la série trois ans plus tard. Pour vivre, il va alors devoir collaborer à Das Reich en fournissant des dessins visant à ridiculiser les Alliés. Très affecté par ces concessions morales, il ne cesse d'exprimer en privé son dégoût pour le régime. En 1944, il est dénoncé par un voisin à la Gestapo et accusé de tenir des propos défaitistes. Le 5 avril 1944, à la veille de son procès, il se suicide dans sa cellule.
Créés dans des conditions éprouvantes et durant une époque plus que troublée, Vater und Sohn respire néanmoins la joie de vivre et l’espièglerie. Parfois complices, parfois adversaires, les héros sont les acteurs d'une multitude d'incidents variés. L'humour et les gags sont bon enfant et, évidemment, datés, mais, malgré le temps, ils ont gardé toutes leur fraîcheur. De plus, Ohser se permet même des attaques, certes voilées, contre différentes formes de pouvoir. Tels Guignol et Gnafron, le fils mène la vie dure à son papa, tandis que ce dernier n'hésite pas à distribuer quelques soufflets bien sentis aux différents représentants de l’autorité (gendarmes, instituteurs, etc.). Finalement, c'est la tendresse entre les deux protagonistes qui ressort le plus. Même s'il se met facilement en colère, le père est toujours présent pour s'occuper de son fils. En échange, celui-ci le lui rend bien et ne rate jamais une occasion pour exprimer son affection, même si souvent, il y a un pétard caché dans les cadeaux !
Pour composer cette intégrale, les éditions Warum ont dû effectuer un énorme travail de restauration. Le résultat est impeccable et superbement réalisé. Petit chef-d’œuvre datant des années les plus noires de l'Histoire, Vater und Sohn réussissent toujours à faire rire : que demander de plus ?