Résumé: Dans ce livre à mi-chemin entre le conte de Noël illustré (et décalé ! ) et la bande dessinée, Zerocalcare revient avec humour sur la dure réalité des conditions de travail des lutins dans l'usine du Père Noël, qui se détériorent dès lors que le père Noël meure et que les appétits capistalistiques se réveillent pour prendre la main sur la rentable entreprise.
E
n musique, l’album de Noël est un classique et/ou un passage obligé pour les chanteurs. En BD, le Journal de Spirou de l’honorable maison Dupuis se fend chaque année d’un numéro spécial débordant de contes bien-pensants réalisés de bonne grâce par des artistes plus ou moins motivés. Voir Zerocalcare emprunter cette voie est évidemment surprenant. Que les fans de l’homme de la Rebibbia se rassurent tout de suite, Le père Noël est mort n’a que très peu à voir avec Silent Night ou All I Want For Christmas Is You.
En fait de fables, de lutins, de cadeaux et de sapins, c’est un véritable pamphlet politique âpre et violent que l’auteur d’Un poulpe à la gorge a imaginé. L’exploitation des travailleurs, la concentration des entreprises, l’optimisation fiscale, les GAFAM, la course à la violence entre pouvoir et militants, etc., toute l’actualité sociale de ces dernières décennies est mise en scène sous des guirlandes rouge sang. Le propos s’avère revendicateur, les moments chocs affluent et l’argumentaire général demeure, malheureusement limité et sans surprise. En effet, ce détournement de l’imagerie des fêtes de fin d’année ne dépasse jamais le niveau du brûlot «dans ta face». Le cri du cœur et la colère – grandement justifiée - sont entendus, mais une fois passé le grinçant glissement des festivités vers les ravages du néolibéralisme, il ne reste qu'un discours purement démonstratif, déjà raconté ou lu mille fois.
Si le fond n’apporte rien de vraiment nouveau, le ton déconnant et hilarant du scénario permet néanmoins de faire passer la pilule. Le décalage permanent entre les «gentils» et les «méchants», les avalanches de gags impeccablement menés et disséminés au fil des pages rendent la lecture des plus jouissives. En bonus, pour ceux qui voudraient approfondir le sujet, les intéressantes et pas moins inquiétantes références présentées en fin d’ouvrage ajoutent une couche réaliste à ce libelle dans les règles de l’art.
D’un côté, immensément drôle et sincère, Le père Noël est mort fait mouche. De l’autre, sa construction très convenue se limite à souligner des situations connues sans proposer de réelles avancées. Les croyants dans la cause seront convaincus et rigoleront en étant indignés, les autres assurément pas.