Résumé: <p>L'art pariétal est fascinant. Qui étaient ces artistes d'avant l'invention de l'écriture ? Pour quelles raisons ont-ils peint ces oeuvres ? Comment ont-ils acquis cette maîtrise, ce pouvoir d'évocation dont ils ont imprégné leurs dessins et qui ont conservé toute leur force et leur fraîcheur en traversant les millénaires ? De quoi était faite leur existence ? Peindre avec les lions nous narre la vie d'Ellé, de son enfance à sa mort, au sein d'une tribu de chasseurs-cueilleurs, les cornus, dont elle deviendra l'une de celles et ceux qui peignent les animaux sur les murs.<br />Si Fabien Grolleau s'est évidemment appuyé sur les dernières découvertes scientifiques pour concocter son histoire, c'est bien un souffle romanesque qui court tout au long de cette aventure préhistorique, portée par le dessin doux et poétique d'Anna Conzati, qui signe ici son premier roman graphique pour Dargaud. Marylène Pathou-Mathis, préhistorienne réputée, autrice de L'homme préhistorique est aussi une femme, signera la préface.</p>
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Parmi les bêtes, seul l’homme trace et chante les grandes histoires. »
Ardèche, trente-cinq mille ans avant notre ère, Esmé accouche d’Ellé, laquelle démontre rapidement sa maîtrise de la «magie des signes ». Âgée, elle témoigne du quotidien de son clan de chasseurs-cueilleurs, les Cornus, sur les parois de la grotte Chauvet. Ce n’est qu’en 1995 que l’homo sapiens moderne découvre son message. Le bédéphile se plaît quant à lui à y voir la plus ancienne bande dessinée, n’en déplaise à Rodolphe Töpffer.
Bien que le récit de Fabien Grolleau prenne ses assises sur les recherches en anthropologie, le souffle romanesque l’emporte. L’histoire s’articule autour d’une série d’épisodes significatifs de la vie de l’héroïne, de sa naissance à son décès - la vieille dame avait alors trente-sept printemps. Le choix de mettre en vedette une femme n’est évidemment pas fortuit ; le scénariste souligne ainsi l’importance du rôle de la moitié de l’humanité dans cette société, sans pour cela en faire un réquisitoire féministe.
Bien que cet univers soit certainement rude, l’auteur choisit de dépeindre des personnes qui s’amusent, se taquinent, rient, s’aiment, se respectent et s’entraident. Le discours sur le « bon sauvage », vivant en harmonie avec les gens, la nature et les saisons, finit toutefois par agacer. Le scribe insiste également sur la spiritualité, dans un monde où le quotidien devait être ponctué par des besoins de base : se nourrir, ne pas être dévoré par un lion et entretenir le feu pour éviter de mourir de froid.
L’album de près de cent quatre-vingt-dix pages offre à Anna Conzatti tout l’espace nécessaire pour exprimer sa vision ; les cases sont du reste souvent volumineuses et muettes. Beaucoup de douceur se dégage de ses illustrations ; ses personnages se révèlent pleins de vie et les paysages grandioses. La bédéiste traduit également bien la mystique et le rêve à l’aide d’un trait généralement fin, traçant les contours des représentations qui semblent ainsi flotter. La colorisation repose sur des teintes chaudes, très agréables pour représenter les clairs-obscurs régnant à l’intérieur des grottes.
La sympathique biographie imaginaire d’une artiste inconnue.