D
e retour d’une tournée commerciale, George se retrouve coincé à Chamounieix à cause d’un cardan brisé. Trois jours dans un bled perdu quelque part en Dordogne à attendre que la réparation soit faite, super. Afin de passer le temps, il entreprend de parcourir cette bourgade passablement endormie au premier abord. Chemin faisant, il découvre un microcosme insoupçonnable et fait la connaissance d’une population bigarrée et courageuse. Soixante-douze heures, c’est long et c’est court à la fois, finalement.
Fruit d’une résidence artistique dans le cadre du projet Vagabondage 932 de l’association Ouïe/Dire, Passe Misère reprend le canevas du film Passe-Montagne de Jean-François Stévenin (1978). Un incident secondaire, une plongée dans l’inconnu, une foule de rencontres et une prise de conscience après avoir appris à regarder au-delà de ses préjugés, Pierre Maurel raconte, avec pas mal espièglerie, un de ces territoires oubliés de la République. Artiste engagé, son constat comprend logiquement une forte composante solidaire, heureusement sans sombrer complètement dans le militantisme pur et dur. En bon conteur des choses de la vie, il dépeint, par petites touches, les ravages provoqués par des industries peu regardantes pour l’environnement, les initiatives étranges ou insensées prises par des esprits plus fins que leur apparence pourrait le suggérer, l’amour inconditionnel de son coin de pays et, plus largement, la force de résilience de l’âme humaine. La balade s’avère sympathique, parfois un peu trop idyllique pour vraiment y croire totalement et ne se dépare jamais d’un optimisme à tout épreuve.
Agréable trait semi-réaliste entre Étienne Davodeau et Simon Hureau, découpage serré-serré se focalisant sur les protagonistes, mise en couleurs précise sous des airs faussement-désinvoltes, le dessinateur a mis tout ce qu’il faut pour dépeindre ce mini-univers sis aux frontières des développements possibles. Ce dernier sera-t-il durable ou destructeur et final ?
Petit album au grand cœur, Passe Misère est une lecture qui fait du bien. L’auteur d’Iba démontre une fois de plus son talent pour présenter et raconter les meilleurs aspects de notre société, malgré les risques et les épreuves auxquelles elle doit faire face jour après jour.