Résumé: Après les évènements d'Étretat, Orsay, Basma et Juliette ont été amnistiés par la police, contrairement à Melek et Vicento, toujours recherchés. Le trio retourne chez les parents d'Orsay et cherchent par tous les moyens à soigner le cancer de la mère du jeune homme, en vain. Pendant ce temps, les gouvernements mondiaux tolèrent de moins en moins les toutes qui finissent par devenir hostiles. Les populations locales, cherchant d'abord à se défendre, se mettent alors à les détruire. Ne pouvant laisser un tel massacre se perpétrer, Orsay décide de prendre les choses en main et qui sait, trouver la « clé » qui pourrait soigner sa mère. Et le monde ?
L
es toutes polarisent la société. D’un côté, les gouvernements et les gens d’affaires souhaitent les bannir des villes au nom de la productivité. De l’autre, des activistes se disent prêts à tout pour les défendre. Au milieu de tout cela, un jeune adulte, Orsay, est convaincu que les créatures ont la capacité de l’aider à guérir sa mère souffrant du cancer. En Australie, des adolescents ont découvert qu’il est possible de les dissoudre avec la neige carbonique contenue dans un extincteur ; la nouvelle fait rapidement le tour du monde et c’est l’hécatombe.
La tête de Melek conclue la trilogie La part merveilleuse. Le premier volet a d’abord émerveillé avec ces sculptures vivantes et chatoyantes surgissant un peu partout. La seconde insistait surtout sur la désillusion alors que les bestioles se font embarrassantes et parfois menaçantes. Le troisième tome s'affirme, d’une certaine façon, celui de la riposte des autorités, mais également de la levée de boucliers des militants.
Florent Ruppert et Jérôme Mulot donnent une dimension ésotérique et onirique à cette conclusion. Dans ce récit plein de bonnes intentions, le lecteur lit un propos sur la xénophobie, l’environnement, le droit des êtres vivants, sans oublier une dénonciation du néolibéralisme. Ces enjeux sociopolitiques sont toutefois occultés par la maladie de la mère et les tentatives de guérison. Les héros tentent d’y arriver en fusionnant avec les envahisseurs, un exercice long et répétitif. Pour tout dire, le duo semble être passé à côté de son sujet et cette ultime livraison déçoit.
Le dessin alterne entre minimalisme et exubérance. Les segments dans l’univers réel reposent sur un crayonné fin et des décors généralement fouillés, soutenus par une mise en couleur sobre. Les interactions avec les créatures sont pour leur part portées par de jolies illustrations colorées aux accents psychédéliques. Bien que séduisantes, elles finissent par apparaître redondantes. Le découpage demeure simple, le bédéphile pourrait s’attendre à plus d’audace de la part de ceux qui se sont montrés culottés lorsqu’ils se sont amusés avec les formats et les codes de la narration, par exemple dans Portrait d’un buveur, Soirée d’un faune ou Les week-ends de Ruppert & Mulot.
L’idée de départ de La part merveilleuse séduisait, il est triste qu’elle se soit égarée dans une forme de mysticisme.
Les avis
ArvoBlack
Le 18/05/2024 à 22:22:33
"La Part Merveilleuse" intrigue au travers de son univers très coloré et ses créatures atypiques : les "Toutes", venus de quelque part (non expliqué dans l’œuvre) qui peuplent la terre et vivent "en harmonie" avec l'humanité, car ce sont des êtres supposés pacifiques. Ces créatures aux multiples formes et couleurs rappellent d'une certaine manière la Mantrisse des mondes d'Aldébaran, entité mystique, incomprise, remplie d'un savoir et d'une science que l'humanité n'a pas encore apprise à connaitre. Ici, le concept avec les Toutes est une belle surprise, il est possible de rentrer en communion avec eux pour vivre une expérience hors du commun et qui laisse au dessinateur la place pour des illustrations ultra colorées et oniriques. Malheureusement, cette série en 3 tomes déçoit souvent à mesure que le récit avance, avec des dialogues parfois immatures, normal pour des conversations entre adolescents dira t-on, ou des scènes qui soulignent un peu trop de coté épique et qui cassent la singularité des créatures avec lesquels les humains cherchent à rentrer en communication et nouer des liens. Hormis les "Toutes" et leurs couleurs vives, les dessins manquent de caractères dans le style, le rendu est timide pour donner l'impression de puissance et de mysticité des extra-terrestres. Sur le fond, les phénomènes ne sont pas expliqués, il faut plutôt voir l’œuvre comme un voyage dans l'espace-temps avec notre troupe de héros. J'aime l'audace derrière ce voyage, même si parfois les idées semblent quelque peu farfelues, le défi est de taille. C'est une oeuvre à découvrir pour les lecteurs qui aime le genre onirique et fantastique. Le grand format papier du triptyque est de qualité et rend l'oeuvre d'autant plus plaisante à parcourir.
Jozef
Le 08/03/2024 à 17:20:28
Petite déception sur l'évolution de la série.
Le premier tome commençait vraiment bien avec un postulat assez original et qui ouvrait à d'intéressantes possibilités scénaristiques malheureusement mal exploitées. C'était poétique, étrange, cruel, parfois "gore" même avec un dessin "gentil". Cependant, on finit par tourner en boucle, avec l'arrivée de personnages plutôt inutiles et des dialogues qui frisent le ridicule. J'ai eu l'impression que c'était "mal joué" avec un côté autiste. De plus, beaucoup de dialogues "jeunes" sont grossiers et n'apportent pas grand chose.
Bref, cela finit sans révélation, avec une gentille philosophie sur l'amour en chacun de nous pour sauver le monde. Mais, l'histoire manque d'intensité. Dommage car il y avait de quoi faire une BD passionnante en développant les capacités des Toutes (choix du nom assez moyen) et les interactions avec les humains ainsi que le conflit destruction/protection de cette nouvelle espèce extra-terrestre.
Graphiquement, c'est assez plat, les bulles collent parfois au texte, personnages inexpressifs, et choix de moments forts mal placés dans la planche. Normalement, on amorce une surprise en fin de planche à droite et ceci nous donne envie de tourner la page. Ici, tu tournes la page et tu aperçois un moment décisif à droite qui te ruine ta lecture.
J'avoue, je suis un peu dur, la série mérite d'être lue, mais après un premier tome bien mené, je m'attendais à quelque chose de plus maîtrisé et étonnant.
Dans ce type d'univers bizarre, je vous conseille plutôt Poussière de Geoffroy Monde ou Aâma de Frederik Peeters.