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orvège, XIIe ou XIIIe siècle. Le décès de sa femme a rendu Baldrik fou de tristesse et de colère. Pour elle, il avait accepté d’embrasser le catholicisme, de renier ses croyances ancestrales et de se couper du reste du clan. Ce nouveau dieu n'a rien pu faire pour sauver sa bien-aimée. Après avoir mis le feu à l’église et à une partie du village, il a décidé de partir, à jamais. Avant cela, il a confié Brunr, son fils, au roi Aldor, un ami d’enfance qui a choisi de respecter les anciennes traditions. En souvenir de leur passé, celui-ci accepte et promet de faire de l'enfant un prince, sur le même pied d’égalité que son propre rejeton Arulf. Orphelin, le jeune garçon va devoir se battre afin d’être reconnu comme tel. Heureusement, Arulf le prend rapidement sous son aile. Une nouvelle amitié, comparable à celle qui lie leurs pères, naît alors. Sera-t-elle assez solide pour résister aux aléas de l’existence ?
Mi-tragédie quasiment antique, mi-saga nordique, Parjure plonge le lecteur dans la société scandinave du Moyen-âge. Jolie reconstitution historique, gros tempéraments et romantisme exacerbé, Nicolas Savoye et Simon Beauvarlet de Moismont ont imaginé une fable tendue et remplie d’émotion. L’honneur, la parole donnée, l’amour et le sens du devoir, les enjeux, classiques, sont soutenus par une distribution non moins conventionnelle. Si le fond s’avère passablement déjà vu et lu depuis des millénaires, la construction du scénario se montre impeccable. La gestion du temps, tout particulièrement, se démarque. En effet, à plusieurs reprises, les auteurs osent des séquences muettes relativement longues montrant simplement l’évolution de leurs héros sur des années. D’enfants, ils deviennent adolescents, puis adultes. De plus, outre leur côté purement illustratif, ces passages permettent aussi d’introduire des éléments critiques pour la suite de l’histoire. Ces enchaînements forts bien pensés se déroulent très naturellement.
Noir et blanc précis et découpage original, voire surprenant, Nicolas Savoye mise autant sur la simplicité que sur une certaine sophistication. Par contre, sur la longueur son approche trop disparate peine à convaincre. Cases très agrandies, changements de focale peu compréhensibles, le dessinateur semble avoir tenté des «astuces» de mise en page juste pour forcer certains aspects de la narration. Le résultat n’est malencontreusement pas très esthétique et, pire encore, a tendance à faire sortir le lecteur du récit. Rien de très grave ou de totalement pénalisant cependant, surtout qu’il s’agit d’un premier album.
Agréable, malgré quelques défauts de débutant, Parjure se repose avant tout sur des bases dramatiques éprouvées pour offrir un conte aux ressorts universels et facile d’accès. Une intéressante entrée en matière qui suggère de véritables talents de conteur en devenir.