Résumé: 1924, dans le Nord de la France, Élie Ternois, 14 ans, a définitivement pris sa décision : dès qu’il sera majeur, il sera coureur cycliste ! La souffrance et la persévérance de ces trimards du vélo ont bel et bien forcé le respect de ce jeune mineur, qui sait ce que douleur et risque signifient… Pour l’heure, il doit encore obéir à son père, et descendre avec lui dans la mine, tels de la chair à charbon. De toute façon, cela ne l’empêche pas de s’entraîner, plus ou moins en cachette mais avec les conseils précieux et la plus grande bienveillance de son oncle.
À Flayssac, en Haute-Garonne, Reine Fario, la fille de l’Aigle sans orteils, qui a finalement été adoptée par Clémence et Camille Peyroulet, grandit dans l’affection et la tendresse de ses nouveaux parents, et dans le souvenir de son champion cycliste de père. À 14 ans, lors des étapes pyrénéennes du Tour de France, elle découvert l’univers du cyclisme et attrape elle aussi le virus : « Elle vibrait aux coups d’éclat des seigneurs, mais c’est les prouesses des petits, des sans-grade qui la bouleversaient vraiment. » Les graves traumatismes subis à l’orphelinat, s’estompant peu à peu, elle devient une jolie jeune fille au caractère bien trempé, qui se confronte à la petite reine avec ténacité et constance ! Bachelière, elle décide de faire l’école de journalisme à Lille. Non loin de Roubaix et de ses pavés… Ces pavés sur lesquels Élie se prépare activement pour la prochaine édition de la fameuse Pascale…
L
es années passent et les passions perdurent. Elie, malgré son dur travail à la mine, continue à pédaler et à pédaler encore. Plus au sud, après quelques années difficiles, et grâce la gentillesse de Camille, Reine s’épanouit et vise à présent des études supérieures, chose inusitée en ce début du XXe siècle pour une femme. Ces deux destins nés sous le signe du vélo arriveront-ils, enfin, à porter le maillot jaune ?
Christian Lax clôt son récit dans cette seconde époque. La construction minutieuse des personnages, très réussie, constitue l'atout principal de l'album. Autant Elie que Reine suivent leur petit bonhomme de chemin d’une façon logique. L’auteur a su intelligemment intégrer plusieurs éléments sociaux, comme la place des femmes dans la société publique avant l'institution du suffrage universel ou la collusion, déjà présente, entre le monde des affaires et le sport. Malgré ces ancrages historiques, le scénario n’arrive jamais à décoller vraiment. Les différents moments de bravoure (l’accident dans la mine, les courses cyclistes) sont, certes, impressionnants et racontés avec maestria. Par contre, ce panache narratif ne fait que mettre en lumière la simplicité ultime de l’intrigue. Cet opus se lit néanmoins très bien et offre une très bonne plongée dans l'entre-deux-guerres.
Graphiquement, le dessinateur offre une démonstration de son immense talent. Son traitement en couleurs directes mêle plusieurs techniques (pastel, graphite et même les doigts !) rarement utilisées dans le médium. Ces différentes approches donnent aux planches une profondeur, presque une texture, très originale. Cela est particulièrement perceptible dans la longue scène souterraine. La mise en page est également très percutante, dès que l’action s’installe – dans le peloton par exemple - la « caméra », tenue à hauteur d’homme, plonge littéralement le lecteur au cœur de la « bagarre ». Lax, qui se base sur une riche documentation provenant de la longue tradition du journalisme sportif, a reconstitué avec beaucoup de rigueur la condition de ces pionniers à deux roues. La galerie de gueules, encrassées par la poussière et la boue, torturées par l’effort, est particulièrement impressionnante.
Malgré un scénario un peu convenu, Le pain d’alouette est tout à fait recommandable.
Sur le même sujet :
La chronique de la première époque par L. Gianati
Les avis
KalyNette
Le 16/08/2015 à 09:52:08
Une belle histoire mais la fin semble baclée, comme faite dans l'urgence, à tel point que je m'attendais à un troisième opus ! Les personnages sont attachants et on aimerais les suivre un bout de chemin encore. Dommage...
macluvboat
Le 10/05/2011 à 20:16:01
Et la (Grande) boucle est bouclée...l'histoire magnifique d'humanité entre ces deux enfants Elie et Reine qui se retrouve autour du vélo aprés une enfance trés difficile, dans un environnement mondial très difficile.
Génialissime, sublime, merci M. Lax
DixSept
Le 20/03/2011 à 17:27:15
Des pavés de Paris-Roubaix au sommet de Peyresourde, du soleil de Flayssac à la noirceur du bassin de Courrières, les routes de Reine et d’Elie finissent par se rejoindre dans ce plat pays où l’Enfer est pavé au gris de Plouay.
Avec ce diptyque, Christian Lax nous dépeint, en chassé-croisé, la vie d’hommes et de femmes à qui le vélo fait oublier la noirceur et la douleur du quotidien de la mine en leur offrant de fugaces instants d’oubli et de passion … Mais il y a aussi, en arrière plan, un pays laissé exsangue par la Première Guerre mondiale mais qui vibre chaque année au passage des héros du Tour de France ou qui l'espace d’un week-end pascal, communie avec les forçats de la route.
Cette histoire simple, banale diraient certains, est transcendée par une mise en couleur étonnante d’humilité et d’à propos et qui, des noirs aux gris, de toutes les nuances de l’orange à celles du brun, de l’aquarelle à la gouache, donne toute sa puissance au dessin et à l’histoire de Christian Lax.
"Pain d’Alouette", tant par l’humanité de son scénario que par la qualité de son trait et de sa couleur, est résolument en marge de la production actuelle… C’est un véritable plaisir que de lire (de temps à autre) une bande dessinée d’une telle densité graphique et émotionnelle.
A lire résolument.