Résumé: « Tu vois man, la vie est une agitation globale terriblement complexe et il n'y a que la proximité de la mort qui peut t'en apporter la révélation ». La proximité de la mort, ou peut-être la lecture de Pacush Blues ?En marge du monde des humains, dans la crasse et les ordures, vivent les rats de Pacush Blues. Après s'être attaqué à l'intolérance, l'égoïsme, la manipulation, la xénophobie et tous ces petits bonheurs de la vie en société, dans ce nouveau tome Ptiluc amène ses rats à plonger dans les méandres d'une réflexion philosophie sur l'essence de la vie, et les réactions et désirs paradoxaux que cela entraîne !Paradoxe de l'envie de solitude et du besoin des autres, de la binarité entre la lumière éblouissante et de l'obscurité enveloppante, du désir de vivre en pleine conscience et de la tentation de se laisser glisser sur l'existence sans même savoir le jour qu'il est?Et puis la mort, la maladie, la vieillesse; est-ce une malédiction, un aboutissement ou un passage?Notre héros déglingué est taraudé par ces questions existentielles depuis qu'il a pris l'habitude de discuter avec l'âme chevillée au corps en décomposition d'un de ses congénères? À la manière des cobayes de laboratoire, observez dans quelles turpitudes vivent, survivent et meurent les rats de Ptiluc, vous en apprendrez sans aucun doute beaucoup sur vous-même ! Dans un univers sombre forcément propice à l'humour noir, dans des pages somptueuses où l'abstraction côtoie la déconnade, cet auteur majeur nous tend un miroir déconcertant sur notre humanité. Heureusement que Kant et Sartre n'avaient pas pensé à faire de la BD avant lui? !Enfin, Claude Serre ne disait-il pas de l'oeuvre de Ptiluc : « C'est beau ! C'est simple, on dirait du Proust ! Mais en mieux dessiné... » ?
Ç
a débute sur un monologue dépressif, tortueux et verbeux, irrationnel pour autrui, qui trace son chemin vers les sommets qui précèdent la chute. L’ectoplasme qui va s’extraire de cette destinée écrasée va s’enticher d’un jeune à dreadlocks et l’hanter jusqu’à apparaître dans les volutes de fumées d’herbe qui rend nigaud. De cette relation émerge une succession de divagations sur la vie et la mort.
Comme de coutume dans cette série, sur un fond assez abstrait, Ptiluc aborde de manière savamment désorganisée la comédie humaine. Afin de la présenter sous son meilleur visage, l’humain est fait rat. Le décor, sublimé dès l’ouverture dans un réalisme à vomir (il convient de laisser au lecteur la surprise…), reste celui du terrain vague ; là-même où l’objet délaissé, comme touché par la Grâce, prend enfin vie dans sa lente agonie. Comme à chaque fois, l’auteur laisse libre cours à une imagination débordante pour imprégner son album d’une atmosphère portée par une mise en couleur qui sent le mauvais trip à plein nez. L’univers cauchemardesque et nauséeux qu’il est parvenu à créer fonctionne parfaitement et offre un potentiel phénoménal pour exploiter des idées graphiques plus tordues les unes que les autres. Le résultat fourmille de bonnes trouvailles. Tout n’est pas forcément intelligible, c’est parfois à la limite de la prise de tête, mais le fond de roulement reste celui qui constitue le berceau de Pacush blues : sordide et jubilatoire. Le texte offre ainsi de purs instants de grâce - Dieu sait que c’est bon !
Ce treizième tome est dans la droite lignée de ceux qui l’ont précédé, les aficionados y trouveront amplement leur compte, ceux qui y sont rétifs ne devraient pas plus accrocher à celui-là et les non initiés choisiront leur camp. Pacush blues n’a rien d’une œuvre consensuelle et tiède, bien au contraire.