S
ur les conseils de son amie Tina, Niniche débarque dans une maison lugubre, une clinique, espérant résoudre son problème. Tandis que sa mère la pense bénie des Dieux ou victime d'une mutation et souhaite rameuter tous les médias, la jeune fille n'a qu'une envie : se débarrasser de la paire de petites ailes qu'elle a dans le dos depuis sa naissance. Mais lorsque la porte du « château » s'ouvre, elle découvre que le majordome est un squelette à chapeau qui répond au nom d'Icare et que le seul professeur présent n'est pas chirurgien mais un bec-en-sabot en costume ! Elle ne sait pas encore que cette double rencontre va lui ouvrir la porte d'un univers incroyable...
Qui n'a pas rêvé un jour de voler, déployer ses ailes et parcourir le monde ou seulement flotter au-dessus de sa maison ? Partant de cette envie et inspirée par sa rencontre, il y a quelques années, avec un Balaeniceps Rex dans un zoo, Daria Schmitt a créé une fable mêlant oiseaux, fantastique et modernité. Au travers de la particularité de son héroïne, l'autrice de L'arbre aux pies (qui s'offre une petit incursion dans cet ouvrage) aborde la thématique classique de la place dans la société. Face à sa différence, qui n'a pourtant l'air de déranger que sa génitrice et quelques adultes, l'enfant est amenée à réfléchir sur sa condition et ce à quoi elle aspire vraiment. Après un apprentissage et un régime spécial qui, elle l'espère, l'aideront à se révéler, tout se bouscule dans son esprit comme dans celui du lecteur. En effet, le propos semble se perdre quelque peu avant que le questionnement personnel s'étende, au final, à tous les protagonistes sans qu'un fil conducteur ne se dégage véritablement.
Graphiquement, la dessinatrice mélange les inspirations de ses pairs tout au long des quatre-vingts-dix-sept planches. Des gravures de Gustave Doré au trait hachuré de François Schuiten en passant par Alberto Breccia (Mort Cinder) ou José Roosevelt (CE), chacun y verra ses propres influences. L'artiste, elle, admet volontiers avoir puisé dans les œuvres d'Arthur Rackham ou Athur Burdett Frost pour le côté caricatural de ses visages tout en glissant des clins d'œil plus ou moins explicites à Alfred Hitchcock ou au peintre Edward Hooper. L'ambiance peut sembler familière tant le décalage d'univers et de ton rappellent les premiers films de Tim Burton (Beetlejuice, Edward aux mains d'argent) et Niniche apparaît comme un mix entre Alice de Lewis Caroll et Wednesday Adams. De belles références, donc, mais desquelles Daria Schmitt s'émancipe pour livrer une composition touffue, surprenante et pourtant extrêmement lisible malgré la première impression. Son travail sur le lettrage n'y est certainement pas étranger, tout comme sa maîtrise du noir et blanc.
Entre l'hommage à un oiseau si particulier et le conte initiatique, Ornothomaniacs déroute autant qu'il intrigue. Un album qui invite à la relecture pour déguster un dessin bourré de détails et de finesse à défaut de vraiment saisir la volonté de l'autrice.