Info édition : Contient en début d'album, un dossier de 4 pages dessiné par l'auteur.
Résumé: La cavale violente et sans issue de deux extrémistes que tout oppose.
Lui, vieux mercenaire sur le retour, a survécu à toutes les défaites.
Elle, jeune gauchiste un peu paumée, est prête à tout pour déclencher la révolution.
Leur confrontation, inévitable, se mue en un chant du cygne survolté.
L
a Guerre d'Algérie, l'OAS, le SAC, un détour par l'Argentine des généraux et quelques piges chez les Contras nicaraguayens, Roland Picot, dit L'original, a tout vu, tout vécu et pas mal ferraillé pour rester en vie. Par contre, dans ces années quatre-vingt-dix, les façons de faire de la realpolitik ont changé : exit les baroudeurs à l'ancienne. Pour survivre, il ne lui reste que des petites magouilles sans envergure. Et puis, l'esprit n'est plus là, fini les codes d'honneur et le sens de l'amitié.
Avec L'original, Emmanuel Moynot se fend d'un véritable roman noir dans les règles de l'art. Reprenant à son compte la « méthode » chère à Jean-Patrick Manchette, il mêle habilement un fait-divers réel avec un portrait sans pitié de l'arrière-cour de la société française. Au centre du récit, Picot cristallise toutes les rancœurs et les dérives d'une distribution d'affreux avides et sans morale. Non pas que le personnage principal soit meilleur que les autres, loin de là. Sa philosophie personnelle basée sur le racisme et un certain plaisir à tuer son prochain (pour une bonne cause évidemment) ne vaut pas plus que celle des mafieux et des ripoux qui lui font face. Il est néanmoins lucide, son temps arrive à son terme, le monde a changé, trop pour lui.
Le scénariste a mis à profit son expérience glanée dans l'adaptation de textes du crû, comme ceux de Jean Vautrin (L'homme qui assassinait sa vie) et, dans une moindre mesure, de Léo Malet (Nestor Burma). L'histoire est parfaitement structurée et les dialogues font mouche. Tous les éléments narratifs s’enchâssent pour aboutir à un final évidemment sanglant, mais néanmoins inattendu. Suspens, action et répliques assassines s'enchaînent implacablement dans l'odeur de la poudre et de la cordite.
Graphiquement, Moynot fait dans l'efficacité et, même si l'ombre de Jacques Tardi est toujours là par moments, il impose sa patte personnelle. Comme le ton général, le trait est franc avant d'être esthétisant. Pour couronner le tout, les couleurs baignent cette sombre fable dans une obscurité crépusculaire forte à propos. Il n'y aura pas de répit, ni pour les uns, ni pour les autres. En résumé, une histoire noire de charbon qui ne s'encombre pas de fioriture, L'original, tel un bon whisky, emporte la gorge tout en y laissant un goût âpre et enivrant. Bonne chance l'ami.