Info édition : Suite a une erreur, la première édition a été "rappelée". Une réimpression avec 02/2024 remplace donc le tirage initial
Résumé: Un coupable idéal
Rome, IIe siècle après J.-C. Edilus, le médecin le plus respecté de la communauté grecque de Rome vient d’être sauvagement assassiné. Son fils Alexandre, que le vieux médecin comptait à minima déshériter est déjà désigné coupable ! Un procès expéditif attend donc ce garçon qui, selon les lois romaines, encourt la peine capitale pour parricide. Mais ce verdict intrigue Marcus Cornelius Florens. Cet orateur hors pair, le meilleur avocat de Rome, se douterait-il de quelque chose ? Lui qui se tient depuis des années à l’écart des basses intrigues de la « vie publique » se méfie surtout des coupables trop parfaits. Contre toute attente et sur les supplications d’Hipatia, la veuve d’Edilus, Marcus accepte de défendre ce jeune fils d’immigré grec accusé du crime le plus grave dans la cité impériale. Mais sans témoins, sans preuves, ni alibi, les chances de renverser le cours de l’enquête sont quasi nulles. À moins… qu’en remontant le fil de l’histoire familiale, l’enquête ne ramène Marcus là où tout a commencé : dans la maison de la victime... Le procès public, très attendu, approche. Bientôt Marcus va déployer tout son talent lors d’une joute oratoire où la vérité compte moins que cet art du discours…
Polar judiciaire sous la Rome antique de Marc Aurèle, ce one shot nous plonge habilement à une époque où tout comme les gladiateurs du Colisée, l’art oratoire était un sport redoutable, mais pratiqué dans une arène différente, le Forum. Ce bel album au dessin réaliste et au scénario romanesque éveille en plus notre curiosité historique à travers cette enquête pleine de tensions et de péripéties dans les ruelles romaines.
Cette bande dessinée nous transporte à Rome en février 919 Ab Urbe Condita, c’est-à-dire 919 « depuis la fondation de la Ville ». Nous sommes ainsi en 166, sous le règne de l’empereur Marc Aurèle, alors que l’empire est en guerre contre les Parthes et que les méfiances à l’égard des chrétiens mais aussi les conversions à la nouvelle religion se font toujours plus importantes. Alors que la fête des Lupercales bat son plein, Edilus, le médecin le plus respecté de la communauté grecque de Rome, est retrouvé mort dans son cabinet, le crâne défoncé. Tout semble accuser Alexandros, le fils qui devait être déshérité. Selon la loi romaine, il risque la peine de mort pour parricide. C’est à ce moment que Marcus Cornelius Florens, orateur et avocat de renom, ami du médecin décédé, sort de sa retraite pour défendre le jeune homme ! Le procès public, très attendu, approche. Marcus mène l’enquête, cherche des preuves, interroge des témoins et se prépare à déployer tout son talent lors d’une grande joute oratoire sur le forum.
Luca Blengino et David Goy au scenario et Antonio Palma au dessin, proposent une œuvre plutôt originale en bande dessinée : un polar antique. L’intrigue est bien menée par ses auteurs, classique mais efficace, rythmée et bien maîtrisée grâce à un découpage et des dialogues de qualité. Les dessins particulièrement expressifs ainsi que les couleurs vives apportent le dynamisme nécessaire afin de soutenir, voire de porter, l’action et le suspens liés à cette enquête policière. Aussi, cet album permet de façon assez subtile de dessiner les contours de la Rome du règne de Marc Aurèle : le poids de la religion et des traditions avec la fête des Lupercales, l’essor et la structuration des communautés chrétiennes encore obligées de pratiquer leur culte en toute discrétion, l’intégration plus ou moins limitée des communautés étrangères, les lois romaines qui font du parricide un des crimes les plus graves dans la cité impériale, l’art oratoire qui est un exercice périlleux et noble donnant lieu à de grandes joutes, etc.
Bref, une lecture agréable qui présente l’intérêt d’entrer avec subtilité dans la cité impériale du IIe siècle après J-C au travers d’une enquête policière.
Armand Bruthiaux