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epuis sa tendre enfance, Chihiro a toujours rêvé d’être à la place de Ritsu, son ami et voisin. À seize ans, elle est une lycéenne normale, un peu chahutée par ses camarades qui s’amusent de sa naïveté. Ritsu, lui, est devenu un danseur émérite, particulièrement populaire depuis qu’il a interprété le rôle-titre du « Prince courtisane » dans un clip. Mais ces petits boulots et sa volonté de n’en faire qu’à sa tête contrarient son père, fondateur d’une école de danse traditionnelle, qui préfèrerait qu’il se concentre sur l’héritage familial. Un soir, après que Chihiro a assisté à une nouvelle dispute entre Ritsu et son paternel, son ami décide de la raccompagner. En chemin, ils s’arrêtent sous le porche d’un vieux temple et chacun émet le vœu de se retrouver dans la peau de l’autre. Ils sont aussitôt exaucés. Le premier moment de panique passé, Chihiro et Ritsu s’accommodent comme ils peuvent de ce transfert de corps et, petit à petit, apprennent à se (re)découvrir.
Après les vingt-six volumes des Princes du thé, Nanpei Yamada revient chez Tonkam avec Orange chocolat, série encore en cours au Japon où huit tomes sont déjà parus. Cette fois-ci, elle explore les tourments de l’adolescente et l’émergence du sentiment amoureux à travers, d’une part, un art ancestral et, d’autre part, la permutation réciproque des esprits de l'un vers l'autre au sein de ce couple en devenir. Si la danse japonaise est un bon moyen de rapprocher les deux héros et de souligner leurs différences, l’élément fantastique – d’une durée limitée, mais récurrent -, assure un certain nombre de situations amusantes qui viennent bouleverser certitudes et confort.
L’humour et les balbutiements d’une romance sont donc de la partie dans ce premier volet qui introduit rapidement les divers protagonistes, tout en entamant, avec vivacité, un récit qui ne manque pas d’action. La narration est en effet aussi fluide que bien rythmée et les péripéties s’enchaînent sans laisser le temps au lecteur de s’ennuyer. Parallèlement, les relations entre les intervenants s’ébauchent progressivement et sont corsées par le conflit personnel de Ritsu avec son père. Ce bras de fer montre, en filigrane, toute la difficulté à marier harmonieusement tradition et modernité. L’histoire est portée par un graphisme typé shojo qui porte incontestablement la marque de Nanpei Yamada, mais qui se révèle aussi plus maitrisé. Le découpage précis et aéré, la légère touche caricaturale par moments, ainsi que l’expressivité des visages s’avèrent en adéquation avec le propos et rendent la lecture agréable. De surcroît, les passages montrant le « Prince courtisane » et la « Femme-héron » témoignent d’un soin particulier apporté aux détails des poses et des tenues de danse.
Orange chocolat s'ouvre plaisamment avec un tome aux nombreux rebondissements qui augure d'une suite sympathique et prometteuse.