A
près Remember et Orange, Xiao Pan publie One Day, le premier album de Benjamin. Ce livre rassemble quatre courts récits et un artbook, chacun de ces travaux étant abondamment commenté par l’auteur. One Day fut publié en Chine en 2002, puis réédité dans une version retouchée en 2005. Comme l’auteur est décidément perfectionniste, il a apporté de nouvelles corrections pour la version proposée au public français. Si les récits de One Day sont moins autobiographiques que ceux de Remember, les thèmes chers à l’auteur y sont présents : la recherche de soi, le dépassement artistique et la rébellion contre la banalité de l’existence et la routine.
De tous les auteurs chinois que l'éditeur Xiao Pan a fait découvrir au public français, Benjamin est clairement un des plus intéressants, et sans conteste le plus remarqué de tous. Remarquable, il l’est à plusieurs titres : d’abord par son talent pictural et sa virtuosité dans l’utilisation de la palette numérique (entre autres travaux, il a composé un guide d’utilisation de Photoshop destiné aux infographistes). One Day, en tant qu'oeuvre de jeunesse, permet de découvrir un artiste en recherche de son style. D’où une grande hétérogénéité graphique dans les différents récits, et parfois même au sein d’une même histoire.
Un autre trait majeur qui caractérise Benjamin est son ambition artistique. Alors que la plupart des auteurs chinois sont sous la domination de l’écrasant modèle culturel japonais, Benjamin revendique la possibilité de faire une bande dessinée différente. Prétendre être unique dans une société confucianiste d’1,3 milliard d’habitants, voilà qui n’est pas banal ! De fait, Benjamin s’est forgé un « style » tout à fait singulier et identifiable. Sa palette de couleurs notamment est très personnelle, avec des teintes saturées jusqu’à la solarisation. Il est aussi un portraitiste émérite, capable de capturer des émotions très fragiles.
Enfin et surtout, Benjamin a une « attitude ». Il compose ses bandes dessinées comme certaines Rock stars écrivent leurs chansons : avec une intensité émotionnelle qui dépasse de loin la seule valeur des mots et du propos. Vu de loin, cette sensibilité exacerbée peut agacer, d’autant que le garçon soigne son look et n’hésite pas à multiplier les photos, portraits, et commentaires dans son livre. Benjamin semble aspirer à devenir une sorte de Pop Idol, et chacun de ses livres peut être vu comme une lettre aux fans ou à la postérité. C’est comme si la bande dessinée n’était présente que comme révélatrice de la personnalité de son auteur. Le véritable propos de One Day n’est pas dans les bluettes sentimentales qu’on y trouve, mais dans le portrait d’auteur qu’elles contribuent à préciser. Benjamin cultive son image d’éternel adolescent et d'artiste ténébreux, comme Jim Morrison soignait son image de poète maudit.
L’éditeur Xiao Pan ne s’est pas trompé en publiant d’abord des œuvres plus matures, permettant d’apprécier la pleine mesure du talent de cet auteur. Mais One Day, avec ses récits en noir et blanc, ses expériences en bande dessinée muette, complète notre connaissance de cet auteur décidément atypique. Il est illusoire de penser que Remember, Orange et One day sont des one-shots : ce sont les différents chapitres d'une saga nommée Benjamin.
Du même auteur :
» Orange
Les avis
Marion N
Le 20/03/2007 à 10:13:58
Découvrir les oeuvres des débuts de Benjamin est très intéressant et permet de constater son évolution quant au scénario et à la maîtrise du dessin et des couleurs. Rien que pour cela, "One Day" est un bon album, enrichit encore par les commentaires de son auteur et le art-book.
En revanche, je trouve que les 4 nouvelles de cet album pèchent par manque de substance, bien qu'on y décèle déjà les thèmes de prédilection de Benjamin. Graphiquement, j'y ai retrouvé la patte de l'artiste, avec les imperfections propres aux premiers travaux.