Info édition : Mention "Première édition".
Carnet de croquis de 11 pages et des 9 illustrations signées par divers artistes de la galerie.
Résumé: Dans un futur sombre, la cité du Paradis est dirigée de main de fer par une dictature religieuse. Les hommes cochons, esclaves génétiquement modifiés, travaillent inlassablement dans le confinement d’une vieille école transformée en abattoir, à produire la nourriture destinée à leurs maîtres humains.
OINK, lui, rêve d’autres horizons que les murs souillés du sang de ses congénères de l’abattoir. Pourquoi est-il exclu du Paradis qu’il ne peut atteindre qu’en se sacrifiant ? Pourquoi ses semblables obéissent-ils aux dogmes de la cité, soumis et écrasés par la peur ?
OINK va réaliser qu’il n’y a pas de marche arrière pour un esprit qui s’éveille et que le chemin vers la liberté est périlleux : les Anges Gardiens du Paradis veillent et sont prêts à éliminer tous ceux qui remettent en question l’ordre figé de la cité.
Mais attention : OINK n’est pas un mouton, hors de question pour lui de « tendre l’autre joue » ! Désormais, le Paradis sera une boucherie !
«
L’ignorance, c’est le bonheur ». « Le sacrifice est exigé ». Les mots d’ordre des gardiens sont affichés partout, gravés profondément dans les cervelles frustres des semblables de Oink, mi-hommes mi-cochons créés artificiellement par manipulation génétique dans de mystérieuses unités de procréation. Mais pour son ami Robinet, cette vie de servitude est devenue soudain trop lourde, et son éphémère résistance va précipiter Oink dans une rage aveugle, une meurtrière fuite en avant en quête de ses origines, et à la recherche du maître de cette étouffante société coercitive, trompeusement nommée Paradis.
Publiée il y a près de vingt ans par le graphiste et concepteur de jeu John Mueller, cette mini-série lorgnait ouvertement vers les mondes Orwelliens de 1984 ou de la Ferme des animaux, et par ricochet vers l’univers de Pink Floyd. L’abattoir 628 où grandit Oink évoque d’ailleurs furieusement la centrale électrique de Battersea ornant la pochette de Animals et les hachoirs à viande du Don’t need no education de The Wall. Une vision amère et sombre d’une contrée déshumanisée – le symbole du régime est un rouage de machinerie – régie par une théocratie brutale. Entièrement retravaillée par ordinateur, augmentée de nombreuses planches, cette nouvelle version permet à l’artiste de revenir de manière un peu plus distanciée sur son œuvre fondatrice.
Avec la fougue de sa jeunesse révoltée, le créateur – il avait alors à peine plus de 18 ans – pataugeait allègrement dans l’allégorie massive et sans fard. Cette charge frontale se voulait une dénonciation du système éducatif institutionnel de nos États industrialisés, avec ses traumas, ses brimades, le rabaissement rituel de ceux qui ne rentrent pas assez volontiers dans le moule. Cette violence psychologique est transposée par la plume de l’auteur en une violence concentrationnaire et répressive telle que la ressentirait un élève fragilisé. Soit. Mais le scénario matraque dans tellement de directions qu’il est permis d’y lire aussi bien une classique dénonciation des totalitarismes qu’un apologue contre l’endoctrinement religieux, ou encore les manipulation génétiques, l’individualisme aveuglant, l’avide déprédation de la nature… autant de légitimes motifs d’agacement, mais tous ici abordés de manière fugace et superficielle. Ne reste véritablement, en fin de compte, que la colère de Oink, un paroxysme de fureur brute, un déchaînement destructeur aussi bref que vain. Car la volonté contestataire initiale s’étiole au gré des surenchères scénaristiques.
Mais si les intentions dénonciatrices pêchent par simplisme, Mueller parvient néanmoins à créer une imagerie puissante et convaincante, et générer un profond sentiment d’empathie envers son héros tragique. Sont convoqués les univers oppressants du Brazil de Gilliam, les visions schizophrènes du The Wall d’Alan Parker, un soupçon de Caro et Jeunet, un doigt de Matrix, la désormais familière esthétique froide, sordide et baroque des dystopies sur grand écran. Aussi à l’aise dans le rendu des architectures que dans les gros plans, les physionomies comme les mouvements des personnages, le dessinateur use de larges vignettes aux compositions dynamiques, aux textures travaillées, pour une brillante démonstration de peinture numérique.
À défaut de subtilité, Oink le boucher du Paradis offre une représentation intense, dramatique, frénétique, d’une société monstrueuse, et parvient à toucher le lecteur par la désarmante naïveté de son héros déchaîné.