Résumé: June est une jeune femme hypersensible qui déborde d’amour pour la nature et les animaux. Elle travaille dans un cabinet vétérinaire d’une métropole nord-américaine où elle vit avec Brad. Mais une opportunité professionnelle pour ce dernier les oblige à déménager dans une belle maison moderne au cœur d’un lotissement anonyme.
Pendant que Brad se consacre corps et âme à son nouveau travail, June se sent désœuvrée et peine à se projeter dans ce nouvel environnement. Un jour, elle recueille une étrange créature mal en point et l'installe dans leur sous-sol. Une relation mystérieuse naît entre elle et cet être qu'elle baptise « Lenny ». Ce dernier se révèle drôle et attachant, mais peut-être pas tout à fait inoffensif…
Ouvrant la voie à de multiples interprétations, Oh, Lenny ne cesse de surprendre tout au long de son intrigue monstrueuse. D’abord huis-clos domestique retraçant l’évolution d’un ménage à trois grotesque, le récit mute petit à petit en drame horrifique qui joue de la fascination que peut exercer la nature sauvage, tour à tour belle et toxique. En plus de 300 pages dessinées dans un élégant style ligne claire, l’auteur du Dernier cosmonaute nous embarque pour un voyage aux confins de la folie, dressant au final un portrait de femme complexe et nuancé.
J
eune femme pleine de générosité et de sensibilité, June mène sa vie sous le signe de la bienveillance. Quand son mari décroche un super boulot, elle est ravie, même si ça signifie déménager dans un lotissement loin de la ville. Bouger, changer sa routine, c’est toujours bien, n’est-ce pas ? La maison est un peu tristounette, mais elle est grande et jolie, ça change de leur vieil appartement. Après une petite période d’ajustement, tout devrait rentrer dans l’ordre. Elle va faire la connaissance des voisins, planter un potager au fond du jardin… Ça va bien aller, c’est sûr.
Classique histoire d’aliénation et de déconstruction psychologique, Oh Lenny s’étale sur plus de trois cents pages. C’est beaucoup, sans doute un peu trop pour nourrir ce simple portrait. Si l’étude de cas quasi-clinique de June s’avère détaillée et suffisamment ouverte pour laisser la place à toutes les interprétations possibles sur le pourquoi de la dérive de l’héroïne, le reste du scénario manque véritablement d’originalité. La vie suburbaine (américaine), une dynamique de couple semblant dater des années cinquante, l’irruption d’un élément fantastique façon Charles Burns ou Daniel Clowes, etc., la lecture sent le déjà vu et lu. De plus, sans réel cadre spatial ou temporel, le récit se montre totalement désincarné. Résultat, même avec toute l’attention et la précision portée à la description de cette femme en quête de sens, il est impossible de vraiment se sentir concerné par les affres que cette dernière affronte.
Visuellement, la ligne claire exemplaire d’Aurélien Maury apporte un autre niveau de décalage. Le rendu direct et net s’oppose frontalement avec la déréliction mentale et physique de la protagoniste principale. Malheureusement, cette opposition entre chaos intérieur et pureté du trait semble plus fortuite que voulue et tombe à plat. Cela, dit le découpage et la mise en page sont au point et la narration coule naturellement.
Ambitieux roman graphique, réalisé avec soin, Oh Lenny peine à convaincre, en raison d'une thématique et d'un traitement manquant de caractère ou de surprise.
La preview
Les avis
ArvoBlack
Le 10/05/2024 à 22:05:59
"Oh Lenny" surprend par son graphisme très doux, en comparaison d'un scénario dramatique assez violent. Le dessin avec une ligne claire épaisse et ronde ainsi que des couleurs marquées rassurent, sauf que le registre est quelque peu différent d'une simple fiction. Cependant, certaines scènes oniriques fonctionne difficilement par son dessin, même si on ressent la bonne volonté de son auteur. Une œuvre qui se lit rapidement et addictive dans sa lecture et son propos, c'est original et cela a le mérite de sortir des sentiers battus, malgré que le couple June/Brad sonne très "cliché" à première vue. Il manque tout de même un brin de folie pour rendre l’œuvre et sa chute encore plus surprenante, mais la lecture vaut le coup.