Résumé: Adepte de la fumette et des gueules de bois tout-terrain, de Led Zep III, de littérature et de fromages en tout genre, Larry Bear a décidé d’en finir avec le train-train délétère de la vie new-yorkaise. Pour elle et Marshy – sa fidèle guitare acoustique et toxico –, l’existence sera désormais campagnarde… et psychédélique. Leslie Stein vit, dessine et joue de la musique à Brooklyn, intarissable source d’inspiration pour les aventures de Larry Bear – sa coolitude névrotique, son cocooning surréaliste, ses traits d’esprit désopilants.
L
’appel de la campagne est l’intitulé du chapitre qui ouvre cet album. De fait, la narratrice s’est installée au vert, loin des turbulences citadines qu’elle pratiquait, il y a encore peu, avec une belle assiduité. Pas de téléphone portable, un jardin potager composé pour l’heure de légumes épars... il n’en faut pas plus pour se concentrer sur l’essentiel : Saviez-vous que les oiseux ne chantent pas uniquement par nécessité, mais aussi pour le simple plaisir de chanter ? Ça ne vous rend pas heureux, ça ? Avec un peu de beuh, c’est certain, ça aide. Avec quelques retours à la ville, ça passe encore mieux !
Leslie Stein raconte, non sans humour et sans recul, un quotidien où la solitude est un fait et où il faut savoir saisir les petits riens, les inventer, voire les provoquer. Advienne que pourra, ou pas. Et de tourner un peu en rond. Son fidèle compagnon d’errance, son confident de chaque instant, sera sa guitare, Marshmallow ! Ensemble, ils boivent des coups, beaucoup, fument de l’herbe qui rend nigaud, souvent, et vont ramasser des champi. Tout un programme. Il leur arrive même de se faire gueule, parfois.
Narré en noir et blanc, avec un trait aussi déconnant qu’élégant, aéré que parfois fouillé, L’œil de créature majestueuse est une bande dessinée agréable à lire, notamment parce que l’auteure laisse à son humeur changeante, entre douce déprime mal camouflée et joie extatique plus ou moins tempérée, le soin d’insuffler son rythme varié aux quelques cent vingt planches de l’album. Ses personnages aux proportions improbables, cousins éloignés sur ce point de ceux dessinés par Peter Bagge (le père de Buddy Bradley qui s’est même fendu d’un petit mot en quatrième de couverture), confèrent une dimension joyeuse à l’ensemble. Et puisqu’il est question de l’inénarrable Buddy Bradley, autant lever le voile sur la famille, au sens large, de la jeune femme : elle n’a rien à envier à celle du jeune homme. Les chiens ne font pas des chats !
Quand il pleut à verse dans la prairie, Leslie propose à sa guitare de lever ses bras au-dessus de sa tête et de dire merci. Enjoy !