Résumé: Fin août 2019, une militante propose sur les réseaux à des inconnues de se réunir pour un premier collage
collectif contre les féminicides, sur les murs de Paris.
En quelques semaines, le mouvement s'étend comme une traînée de poudre.
Ce livre raconte l'histoire de ce collectif
d'après l'enquête de Paola Guzzo et Romane Pellen
Postface de Laurène Deycard
I
ls sont apparus une nuit, sans prévenir. Sur les murs, des collages éphémères ont commencé à fleurir.
Simples et percutants.
Dénonciations frontales de féminicides, interpellation directe pour qui les lit.
Très vite, la contestation s'est répandue comme une trainée de poudre, au départ d'un squat parisien. A l'origine, il y a Marguerite Stern, ancienne femen et militante féministe. D'autres la rejoignent et s'organisent en véritables commandos. De nouvelles antennes s'établissent un peu partout, offrant un exutoire à un ras-le-bol face à l'inaction des autorités quant aux violences faites aux femmes.
Le mouvement se développe organiquement, chacune apportant son propre vécu et ses motivations personnelles. Par leurs mots, c'est toute la diversité des membres qui est mise en évidence, allant de la continuité d'un engagement militant jusqu'à la prise de conscience tardive de femmes qui trouvent dans ces slogans une réalité qu'elles avaient refusé d'envisager.
Paola Guzzo et Cécile Rousset racontent cette période exaltante de mobilisation féministe, mais sans occulter les difficultés rencontrées par une initiative qui ne s'est jamais véritablement structurée et s'est progressivement déchirée. En effet, lorsque certaines colleuses ont intégré les thématiques LGBTQIA+, cela a provoqué une contestation interne portée par Marguerite Stern elle-même. Cette dernière a depuis multiplié les propos et écrits transphobes, jusqu'à être exclue puis rejoindre les mouvances d'extrême-droite. La présence d'hommes a également causé des débats houleux.
Sans doute est-ce là l'un des aspects les plus intéressants de cette bande dessinée. Loin de chercher à édulcorer la réalité, les autrices n'hésitent pas à rendre compte des dissensions qui ont progressivement gangrené le collectif, causant des fractures profondes. Elles rappellent d'ailleurs la perversité de la "pureté militante", utilisée par les détracteurs de tout mouvement contestataire pour en discréditer le combat. Une trop grande orthodoxie indiquerait un extrémisme insupportable, alors que le moindre écart est le signe d'une hypocrisie coupable. Le refus de la nuance permet toutes les critiques, au détriment du fond. La tactique est grossière, mais malheureusement efficace.
Ce genre d'ouvrage se caractérise en général par une narration qui tourne rapidement à la succession de monologues. Cette structure narrative devient vite lassante et dessert souvent le propos. Pour ce livre, Céline Rousset évite cet écueil par un usage intelligent des reproductions de collages et d'un chapitrage adéquat qui rend la lecture plaisante et particulièrement éclairante. Au final, cet ouvrage remplit pleinement son but.