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i>Un soir et un matin sur les bords du canal Saint-Martin.
Trois histoires qui se croisent entre un banc et un bar.
Trois histoires de gens qui ne parlent plus ou qui ne s’écoutent plus.
Simple et percutant, même séduisant, ce texte en quatrième de couverture reflète parfaitement le contenu de l’ouvrage. Une invitation à suivre des personnages anonymes, de ceux que l'on croise en tout lieu et à tout moment, dans des situations d’extrême solitude. Un isolement non pas spatial mais intellectuel, émotionnel, conséquence d’une défaillance de communication avec leur entourage.
Un homme aigri et taciturne incapable du moindre élan social lorsqu’il est abordé par une jeune femme en quête de compagnie. Un père recevant comme un direct à l'estomac une lettre de sa fille qu’il a toujours ignorée. Un couple en danger, les deux conjoints essayant d’envoyer des signaux de détresse sans être réceptif à ceux de l’autre. Trois histoires émouvantes, d’autant plus touchantes qu’elles sont tristement ordinaires. Trois histoires par ailleurs totalement indépendantes, si ce n’est qu’on y voit se croiser certains personnages, rendant les lieux encore plus familiers.
Sibylline et Loïc Dauvillier ont écrit des textes minimalistes, justes, saisissants. Chaque mot semble avoir été profondément réfléchi. Les dialogues ou pensées font mouche inéluctablement, avec une mention spéciale pour la lettre de la deuxième histoire dont les premiers mots tranchent et ébranlent immédiatement : « Papa, il était temps pour moi de t’écrire, pour te dire que malgré toi, ça va. ». Évidemment, le registre de l’affectif et de l’émotionnel ne peut pas faire l’unanimité tant les sensibilités sont diverses, mais d’aucun y trouvera une incitation à réfléchir, et surtout à mieux écouter.
Les dessins jouent également un rôle prépondérant. Capucine (Corps de rêves), pour la première histoire, joue sur la sensualité. Certains visages pourront paraître quelque peu hésitants mais les postures de la jeune femme aguicheuse sont très réussies. François Ravard (Le portrait), en charge du deuxième acte, développe une atmosphère très glauque. Les cadrages sont judicieux, tout comme les nombreux gros plans ou l’utilisation d’un style plus grossier et épuré pour les souvenirs d’enfance. Enfin, Jérôme D’Aviau (Ce qu’il en reste), également auteur de la magnifique couverture, montre un style plus classique, avec un trait particulièrement fin et précis.
Nous n’irons plus ensemble au canal Saint-Martin est un livre poignant qui interpelle. Au-delà, il confirme le réel talent de jeunes auteurs dont on entendra forcément encore parler.
Les avis
Erik67
Le 05/09/2020 à 15:39:32
Nous n'irons plus ensemble au canal Saint-Martin : et pourquoi ? Nous avons là trois histoires un peu tristes faites de regrets et de séparations. Pourtant, le premier récit avait bien commencé sur une rencontre un peu anonyme qui se termine au lit.
Ces trois histoires ont pour point commun le lieu, c'est à dire les abords du canal Saint-Martin. Le temps également, car c'est concentré sur quelques heures : du coucher au lever de soleil. Il s'en passera des choses durant une nuit. Cependant, le dénominateur commun est bien le manque de communication entre les êtres. Le repli sur soi n'est jamais bon signe.
J'avoue ne pas avoir compris la dernière case de la première nouvelle. J'aurais bien aimé savoir ce qu'il advient. La coupure ne m'a pas semblé réellement judicieuse. Pour autant, j'avoue être tombé sous le charme du trait graphique de Capucine que je ne connaissais pas. Cela me donne envie de voir ce qu'elle a fait comme œuvre.
En résumé, cet album est sobre et sombre mais bien réalisé sur un sujet universel.