Info édition : Sylvain Venayre est crédité pour la postface de 8 pages.
Résumé: Épique, héroïque et sombre : l'action se passe au XIXe siècle, dans un pays fictif d'Amérique du Sud, le Costaguana. Le nœud de l'histoire se situe autour de la réussite ou de l'échec de la tentative de sécession de Sulaco : cette petite ville portuaire du Costaguana, jusqu'alors épargnée par les troubles, tient sa prospérité et sa relative indépendance de sa situation géographique bien abritée et surtout de la mine d'argent de San Tomé. Cette mine est gérée par Charles Gould, le «r oi de Sulaco ». Dans ce Costaguana régulièrement agité de soubresauts révolutionnaires, deux généraux putschistes, les frères Montero, provoquent une guerre larvée contre le gouvernement légal du président Ribiera, fidèle ami de Charles Gould. Les notables de Sulaco, craignant de devoir passer sous la coupe de ces généraux brutaux, décident d'envoyer des troupes pour soutenir le parti ribiériste et de mettre l'argent de la mine à l'abri... Ils confient les lingots d'argent au seul homme en qui ils ont confiance : Nostromo, un marin italien devenu le Capataz de Cargadores, c'est-à-dire le chef des dockers de Sulaco... Un grand texte adapté : Maël (Notre Mère la guerre - 4 tomes et plus de 100000 ex) adapte en bande dessinée le chef-d'œuvre méconnu de Joseph Conrad, dont on commémore cette année le centenaire de la mort.
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aru en 1904, Nostromo est un des textes majeurs du grand Joseph Conrad. Roman total à la distribution foisonnante et aux ramifications complexes, l’auteur d’Au cœur des ténèbres y propose une vision implacable de son époque (l’annonce de la chute des Empires coloniaux vs le début de l’hégémonie américaine, l’argent devenant roi, la fin des idéaux) animée par une série de personnages à la psychologie ciselée jusqu’au dernier détail. Entre drame classique et saga politico-économique, l’ouvrage avait fait date et plaça définitivement Conrad sur la carte de la littérature anglo-saxonne et mondiale.
Pour son premier album en solo, Maël s’attaque donc à un (très) gros morceau. Simplifier, élaguer ce qui paraît secondaire et se concentrer sur le cœur du récit, tout en tentant d’apporter sa pierre à l’édifice, le dessinateur a eu fort à faire pour résumer ce monument. Constat encourageant après la lecture de ce tome un, même amputée d’une partie de sa chair, cette version tient la route. Protagonistes bien campés, fil des évènements tenu grâce à une utilisation judicieuse des retours en arrière et grandes thématiques présentes, aucun des éléments cruciaux n’a été oublié. Réussite donc, même si de nombreux aspects sont expédiés un peu vite et que le lecteur doit parfois s’accrocher pour faire les liens entre les différents épisodes. À la décharge de l’adaptateur, le livre d’origine souffre déjà d’un empilement narratif exacerbé et d'un style tendu, voire serré.
Si la place est limitée, la BD peut compter sur la force d’évocation du dessin à ses côtés. Une belle illustration ou un enchaînement à la mise en scène efficace remplacent facilement quelques dizaines de pages de description, aussi bien intérieure qu’humaine. Sur ce plan, Maël est évidemment à son aise et sa vision du Costaguana – pays fictif d'Amérique du Sud imaginé par Conrad – se montre parfaitement au point. Lumière écrasante, montagnes majestueuses et océan comme autant de barrières face aux aléas répondent aux fortes personnalités en présence.
Était-il possible de faire mieux ? Sans doute pas, ce Nostromo version bande dessinée est, en attendant sa conclusion, une superbe réalisation, tant sur le fond que dans la forme. Maël a certainement sué pour arriver à comprimer son matériel de départ et à le glisser dans ses planches. Le résultat est probant et percutant. Vivement la suite !