L
e titre de l'ouvrage ne laisse guère de place au doute quant à sa thématique, mais sa couverture d'une grande élégance laisse présager d'un traitement particulier. Dès le départ, les auteurs brouillent les pistes. Est-ce une bande dessinée ? Un livre illustré ? À la lecture, ces questions perdent rapidement tout leur sens. C'est un livre, ni plus ni moins, qui mêle textes et images d'une façon qui lui est propre.
David Benito, Laurent Bourlaud et Patrice Cablat font de cet album un manifeste contre la guerre, dépeignant avec justesse mais sans lourdeur les effets collatéraux des conflits armés sur celles et ceux qui y participent, de près ou de loin. Contrairement à ce qu'une préface plutôt hermétique peut laisser supposer, le propos dégage une grande simplicité, loin d'un intellectualisme que la postface, à son tour, semble prôner. Qu'importent, en fin de compte, les analyses qui pourront en être faites et la portée que peut avoir cette démarche d'auteur sur le médium, le but est de parler d'atrocité et de désillusion, de peine et de sacrifice. Au-delà d'un parti-pris formel indéniablement intéressant, alternant les styles graphiques pour rendre dans sa diversité l'émotion que dégagent les différents chapitres, la réussite de l'entreprise tient avant tout dans la pertinence de son propos. Le style relève davantage du simple exposé que de la démonstration laborieuse et laisse l'évidence du message s'installer d'elle-même, et durablement, dans l'esprit du lecteur.
Les auteurs ne tirent pas pour autant sur la corde sensible et à aucun moment les émotions ne prennent le pas sur le côté factuel de l'ouvrage, notamment grâce à la distance imposée par un dessin d'une froideur surprenante. Les mots, eux aussi, font honneur à la place importante qui leur est dévolue. Finement ciselées, les phrases s'enchaînent ; elles accompagnent les illustrations en même temps qu'elles créent un espace, une marge, entre le public et les personnages dont la vie s'offre par bribes. Les pages défilent, mais lentement. Elles se gardent de céder à l'empressement, mais invitent au contraire à une lecture contemplative.
À l'heure de refermer le livre, l'impression qui prédomine est celle d'une découverte, d'une expérience finalement peu commune. Fond et forme se répondent dans ce recueil aux multiples facettes. Entre texte et images, un équilibre s'installe : ils se complètent, mais jamais ne se fondent, si ce n'est dans un vœu d'excellence.