Résumé: Depuis 1953, plus de 200 000 enfants coréens ont été adoptés dans le monde, c'est sûrement autant de parents biologiques ayant souffert de la culpabilité d'abandon. Certains, comme ceux d'Olivier ou de Cyril, retrouvent leur enfant après des décennies, d'autres n'auront jamais cette chance, comme la mère de Mélanie et Cécile.
Et il y a ceux qui préfèrent oublier... qui sont ces parents de l'ombre ?
L
orsque le thème de l'adoption est abordé, il l'est le plus souvent du point de vue de l'adopté, plus rarement celui de la famille adoptante. Mais dans cette relation triangulaire, il existe un troisième sommet : les parents qui ont abandonné leur enfant. Comment un père ou une mère ont pu poser cet acte qui paraît contre-nature ? La question est d'autant plus brulante à propos de la Corée du Sud. En effet, à partir de 1953, plus de deux cents mille enfants coréens ont été adoptés dans le monde.
Dans le triptyque Nos Adoptions, Jung et Laëtitia Marty consacrent chaque tome à l'une des composantes de cette douloureuse équation. Après les "parents de cœur" d'Olivier, Mélanie, Cécile et Cyril, les auteur.e.s s'intéressent cette fois à leurs familles biologiques. La démarche ne se veut ni scientifique, ni sociologique. Tout au plus offre-t-elle des témoignages intimes sur certains cas particuliers, limités à ceux qui ont accepté de se confier. Cette fenêtre ouverte sur un scandale humanitaire ne pose donc aucun jugement sur les individus. Au fil des récits, l'évidence qui s'impose est celle d'une société qui, pour assurer sa marche forcée vers le progrès, a toléré et favorisé une politique inhumaine. Cette dernière, profitant de la grande précarité et du poids de la tradition, a contraint les plus faibles à l'inacceptable. Ces trois confessions lèvent le voile sur cette période sombre, sans céder à la facilité des généralisations hâtives ou des jugements à l'emporte-pièce.
À l'instar du premier volet, ce livre s'achève par un ensemble de lettres fictives envoyées par des adoptés à leurs parents biologiques. Certains pardonnent. D'autres pas. Il y en a qui ont simplement fait leur deuil depuis longtemps. Devant une problématique si complexe et intime, il n'existe pas de martingale. Chacun s'en sort comme il ou elle le peut. Les auteur.e.s le savent bien. Si Laëtitia Marty n'a pas formellement renoncé à renouer avec ses racines, Jung s'est résolu à ne pas tenter de retrouver ses géniteurs.
Avec ce projet profondément humain, les auteur.e.s explorent une thématique complexe et délicate avec bienveillance et une beauté qui transcende la tristesse infinie des récits. Le dessin traduit également avec beaucoup de subtilité ce manque, cette absence qui dévore l'espace. Celle de cet enfant qui n'est pas là.