Info édition : Noté "PREMIÈRE ÉDITION".
En fin d'album, 7 pages de "Notices historiques" de Tania de Montaigne
Résumé: Prenez une profonde inspiration, soufflez et suivez ma voix. Quittez le lieu qui est le vôtre, quittez le 21e siècle. Vous voici dans les années 1950 au sud des États-Unis, à Montgomery, en Alabama. Désormais, vous êtes Claudette Colvin, une jeune adolescente noire. Ici, noirs et blancs vivent dans la ségrégation. Ici, être noir c'est n'avoir aucun droit. Mais, le 2 mars 1955, Claudette Colvin, qui n'a que 15 ans, refuse de céder sa place à une passagère blanche dans le bus. 9 mois avant Rosa Parks, elle devient la première noire à plaider non coupable et à poursuivre la ville en justice.
Et pourtant, son nom tombera dans l'oubli.
Voici son histoire...
S
i l'Histoire a retenu Rosa Parks, quel a été le quotidien de celles et ceux qui, jour après jour, ont également combattu la ségrégation et défendu l'égalité et leurs droits ? Claudette Colvin fait partie de ces anonymes oubliés de la mémoire collective. Avec ce titre, Émilie Plateau rend hommage à cette adolescente (presque) comme les autres.
En choisissant d'adapter le roman de Tania de Montaigne, prix Simone Weil 2015, l'autrice s'attaque à un sujet fort. Son trait naïf, si caractéristique, sert de parfait écho à la nature même de son héroïne. Fille-mère de quinze ans, issue d'une famille pauvre, elle ose se dresser contre la loi en vigueur dans cette Cotton Belt, sans se soucier des risques encourus. À travers son parcours, c'est toute la mentalité de l'époque qui est pointée. Les différences de traitement, la séparation sur le critère de la couleur de peau dans toutes les composantes de la société (écoles, transports, hôpitaux, etc.) mais également entre adultes et enfants, entre hommes et femmes. Ainsi, l'appropriation patriarcale de la contestation menée, aussi et surtout, par la gent féminine est mise en lumière. Et son statut comme son image moins lisse que ses émules, expliquent le peu d'égard que son cas a suscité au sein même de sa communauté.
Alors qu'elle ne s'éloigne guère du texte original, la créatrice de Moi non plus fait preuve de sobriété dans sa narration. Des textes essentiellement hors case, un découpage dépouillé, des décors minimalistes et le choix d'une trichromie sobre (noire, blanc, marron) voilà pour la forme. Ce parti pris laisse toutes leurs places aux actes d'injustice qui se déroulent sous les yeux du lecteur et aux rôles des figures d'un mouvement qui marqua les années 50 aux États-Unis. Une certaine retenue qui, paradoxalement, renforce la puissance du propos et son universalité.
Sans fard ni effet de manche, Émilie Plateau livre une adaptation réussie d'un texte dont le but est de rappeler qu'un mouvement ne naît pas spontanément et ne tient pas sur les épaules d'un seul. Mais bien par le courage et la force d'anonymes qui vivent l'injustice au quotidien.
Les avis
Erik67
Le 19/03/2022 à 10:36:02
Le graphisme fera dans le minimalisme et l'épuration. Les cases sont totalement absentes. Il y a une réelle efficacité du propos narratif pour nous démontrer la situation injuste de la population noire-américaine dans les années 50. Cela se lit plutôt rapidement.
J'ai bien aimé l’introduction qui nous permet de nous identifier plus facilement avec la condition de ces personnes victimes de la ségrégation raciale.
Il est en effet question de l'inique loi Jim Crow qui impose une ségrégation. Il faut dire que les juridictions n'aimaient pas s’entendre dire qu'il y avait une injustice dans la mesure où l'on pouvait assurer aux noirs des prestations égales aux blancs.C'est le principe de l'égalité séparée. Pour autant, dans les faits, il fallait que le noir se lève lorsqu'il n'y avait plus assez de place disponible pour le blanc.
La première a refusé de se lever fut Claudette Colvin du haut de ses quinze ans mais son nom sera totalement effacée au profit de Rosa Parks dont se servira d'ailleurs le pasteur Martin Luther King dans sa lutte pour les droits civiques. En effet, Rosa Parks va l'imiter 9 mois plus tard alors que Claudette fut véritablement la première à braver l'autorité des blancs en refusant de se lever et céder sa place à un blanc.
Visiblement, cette BD va au-delà de l'aspect inégalitaire pour indiquer que quelque chose de fondamentale dans la lutte des droits civiques a été enlevée à cette jeune personne courageuse. L’auteure Emilie Plateau tenait à rendre hommage à cette adolescente dont le nom fut oublié quand on relate ces événements.
Du coup, j'ai ressenti un malaise par le fait que Martin Luther King a tenté de récupérer l'affaire de manière sournoise. Ce n'est pas vraiment ce que l'on a appris en histoire et ce que l'on voit dans les films tant son image semble être associé à un saint homme. Je m'interroge un peu sur ce dénigrement qui ne sert pas la cause de l'injustice sociale. Mais bon, c'est la vie méconnue de Claudette Colvin et l'option choisie par l'auteure qu'il nous faut respecter. Pour une adhésion, je ne suis pas preneur.
bulle.noire
Le 12/06/2021 à 22:52:21
Cet album est l’adaptation d’un roman de Tania de Montaigne. Il est utile car il raconte l’histoire de la jeune fille noire qui la première a dit non ! Je connaissais Rosa Parks mais pas Claudette Colvin. J’ai donc apprécié son histoire, douloureuse et révélatrice de son époque d’un point de vue racial bien sûr mais pas que….
Par contre je suis assez déçu de la narration graphique que j’ai trouvé trop naïve, statique et infantile. Certains verront cela comme une qualité, je dois dire que ça n’a pas fonctionné avec moi mais ça fonctionne peut être avec un public plus jeune. Certaines planches sont splendides, la couleur joue son rôle de façon ingénieuse et précise mais il m’a vraiment manqué quelque chose pour adhérer totalement et j’ai fini par trouver ça vraiment dommage tant cette histoire aurait mérité davantage de souffle et de force !
TWYSTAZ
Le 30/06/2019 à 13:42:15
Mon coup de cœur du week end !
Une histoire riche en émotions.
Une époque qui semble si loin et si proche à la fois que celle de la ségrégation aux Etats Unis.
Le texte est fort et prenant. Le parti pris niveau dessin rend hommage à la qualité scénaristique. Rien de superflu !
Rosa Parks, Martin Luther King...
N'oublions pas Claudette Colvin, merci pour cette belle réhabilitation !