Info édition : Format 17 cm x 24 cm ; Broché, Cousu, Collé
Papier Munken Lynx 150 g
Résumé: Deux récits noirs du duo Dieter et Moynot enfin réédités. Qu’elle crève la charogne a été publié en 1995 chez Vent d’Ouest, Bonne fête maman ! est paru 3 ans plus tard chez Casterman, ces deux albums co-écrit par Dieter et Moynot sont ici publiés en un premier recueil, qui sera suivi en janvier 2022 par un second recueil et 2 autres titres initialement édités par Casterman (collection A suivre): Pendant que tu dors, mon amour, (1999) et A quoi tu penses ? (2000). Ces quatre titres forment une collection baptisée NOIR INTEGRAL Il s’agit là d’histoires sombres et intimistes, de récits intenses trempés au vitriol. Qu’elle crève la charogne : Denis Jomard est un musicien, guitariste, auteur-compositeur-interprète et leader d’un groupe rock. Sa carrière semble prendre un nouveau tour. Mais Denis est hanté par un rêve étrange qui semble se mettre en travers de cette voie royale. Dans le bar du XXe arrondissement qu’il fréquente, les studios d’enregistrement à Paris ou Bruxelles, Célia le suit à la trace comme une Némésis et ce rêve s’attache à ses pas. Bonne fête maman : « Il » est thanatopracteur. Mais ce n’est pas pour ça qu’il tue des gens. Des femmes, plus précisément douze en trois ans. Non, s’il tue ces femmes, c’est pour sa mère, pour Noël, pour son anniversaire, pour la fête des mères. Jusqu’au jour où « elle » arrive à l’hôpital. « Elle » n’est pas morte, mais il s’en est fallu de peu. Overdose. « Il » l’attendait, « elle », l’ange, et « elle » est là, près de lui. « Il » va s’occuper d’ « elle », peut-être jusqu’à adopter une vie normale, sans meurtre. Peut-être…
A
près Longue Vie et Le fils du roi, Stanislas Moussé revient avec une nouvelle épopée à couper le souffle. Entre variation sur des thèmes connus et troisième tome d’une vraie-fausse trilogie, Mater semble beaucoup être une copie conforme des deux volumes sus-cités. Un royaume lointain, la quiétude d’un foyer sis au cœur de montagnes majestueuses, un monstre destructeur et un héros obligé d’aller affronter son destin, détaillé de telle manière, le programme sent le déjà vu. C’est un peu le cas. Heureusement, l’artiste, s’il continue de creuser le même sillon, a de l’énergie à revendre (quel encrage !) et possède encore quelques tours dans sa besace. En effet, pour nourrir la traque désespérée de ce père sur les traces de son fils, le scénariste a vu grand et n’a pas hésité à puiser dans les peurs ancestrales, ainsi que dans la mythologie.
Graphiquement, là aussi pas ou peu de surprise. Le style caractéristique du dessinateur est immédiatement reconnaissable. N&B ultra-méticuleux, voire hypnotique, récit muet et un sens aiguë de la composition et du découpage, le résultat est tout bonnement somptueux. Le seul défaut qui ressort de cette mise en image est, comme pour le scénario, l’impression de répétition des motifs, sans approfondissement ou réelle évolution. Moussé est en fait son propre ennemi. Fort de son talent et sûr de sa vision, il n’a pas pu, su ou osé pousser plus loin sa démarche artistique et se repose (un peu) trop sur ses acquis. En résumé, Mater est un excellent album, mais il a la malheur d’arriver après Longue Vie et Le fils du roi (ainsi que de Chaos, petit fascicule antérieur déjà basé sur un mode narratif comparable). Diversité, nouveauté et continuité, le lecteur est impitoyable et en veut toujours plus. Sur ce point, le monde de la BD est sans pitié.
Épique, fantastique, voire homérique, cette fable ne fait pas dans la demi-mesure et offre une avalanche de moments fracassants et de scènes inoubliables. De plus, nullement gratuites, ces péripéties se doublent d’une réelle réflexion quasi-philosophique sur l’importance des liens familiaux et des instincts tant paternels que maternels. En dépit des quelques réserves évoquées plus haut, Mater est un ouvrage qui en impose grâce à une densité de tous les instants et à un rendu visuel unique dans le paysage du Neuvième Art.