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oir, comme en noir et blanc ou comme les noirs et les blancs ? Ce recueil regroupe trois récits réalisés par Baru à la fin des années quatre-vingt-dix. L’histoire principale, Bonne année 2047, se déroule dans une sombre France où un sinistre despote borgne a imposé un régime d’apartheid. Tous ceux qui ne sont pas blancs pure souche se retrouvent parqués dans les banlieues transformées en camps d’internement. Pour couronner le tout, le SIDA s’est largement répandu dans la population appauvrie et les préservatifs sont devenus rares et chers. Kad, Naïma, Greg, Mo’ et Sonia ont dix-huit ans et comptent bien profiter de ce 31 décembre pour s’amuser. Les forces de « l’ordre » en mode paranoïaque et autres snipers embusqués aussi.
Après le passé en mode pseudo-autobiographique dans Quéquette Blues et le présent dans L’Autoroute du Soleil, il était presque normal que Baru regarde vers le futur pour continuer à raconter l’éternelle fougue de la jeunesse. Les acteurs et les motivations sont toujours les mêmes : adolescents issus de l’émigration, la fête et les filles. La société n’a pas beaucoup changé non-plus. Ce qui se disait tout bas est maintenant devenu la raison d’Etat : de banlieues en véritables ghettos il n’y a qu’un pas. La situation politique est claire : il ne fait pas bon être basané que ce soit en 2016 ou en 2047 ! Mais ce n’est pas ça qui intéresse vraiment Baru. Educateur de formation, ce sont vraiment les jeunes qui concentrent toute son attention. Des petites galères en décisions abruptes et inconscientes, il passe en revue les actions et les réactions explosives de ses héros de papier. Baru, même s’il montre bien de quel côté il se trouve, n’essaye jamais de faire la leçon ou de militer. Son propos se résume à ses personnages, la situation est claire, exposée rapidement et sans concessions.
Le troisième récit accolé a deux histoires d’anticipation, Ballade irlandaise tombe un peu à plat. Cette histoire d’amour rock’n’roll sur fond de conflit nord-irlandais est un peu perdue face à la hargne des acteurs du futur. Un choix éditorial peut-être malheureux sur le fond, mais somme toute logique chronologiquement, puisque ces trois histoires ont été réalisées à la même époque.