Résumé: Après Kobané, où il est allé en 2014 et où il a pu rencontrer l'armée des femmes et l'ensemble des résistants kurdes en lutte contre Daech, Zerocalcare s'est rendu en Irak au printemps 2021, pour témoigner de la situation des Ézidis de Shengal.Méconnue par la communauté internationale, cette minorité religieuse a été victime des pires massacres au fil des dernières années, au point de perdre son territoire avant de parvenir à le reconquérir grâce à l'aide des Kurdes. Dans cette enclave dont l'autonomie est sans cesse remise en question, les Ézidis s'efforcent de mettre en oeuvre les principes du confédéralisme démocratique kurde, à commencer par la libération des femmes, la coexistence entre les peuples et l'autodéfense. Pris en étau entre les diplomaties irakienne et turque, qui souhaitent toutes deux la disparition de cette entité, les habitants de Shengal subissent encore des bombardements incessants. Ce sont leurs combats, leurs questionnements et l'actualité de leurs luttes que Zerocalcare met en lumière, soucieux d'accompagner une résistance qui s'efforce de survivre dans l'indifférence assourdissante de l'Occident.
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evenu une célébrité du petite monde de la BD à force d’exposer ses affres métaphysiques d’adulescent atteint de troubles anxieux généralisés et de nouer une relation particulière avec ses fans lors de séances de dédicaces marathon, Zerocalacare sort son dernier album édité - en Italie - à plus de 230.000 exemplaires et devenu n°1 - à sa sortie - des ventes, tous genres confondus !
Carnet de voyage ou reportage, No sleep till Shengal s’inscrit dans la lignée de Kobane Calling et plonge dans les drames des Yézidis, naufragés de la géopolitique moyen-orientale.
Refusant tout militantisme ou misérabilisme hors de propos, Michele Rech réussit - grâce à son empathie et à la distanciation qu’autorise son humour - à faire prendre pleinement conscience de la tragédie du peuple Yézidi. Sans réelle illusion sur la portée de sa BD et sans indulgence avec lui-même, il retranscrit son impuissance face à l’horreur et à l’absurdité qui embrase le nord Irakien, tout comme il met pudiquement en valeur l’abnégation de ceux ou celles qui tentent - dans le confédéralisme démocratique - de subsister en tant que communauté à défaut de nation.
No sleep till Shengal nous renvoie à notre naïveté ou à notre ignorance et relativise nos petits problèmes d’Occidentaux face à un quotidien où une mine, une balle, un drone quand ce n’est pas une arrestation arbitraire transforment un banal « Au revoir » en un irrémédiable « Adieu ».
Du très bon, voire du grand, Zerocalcare !
Les avis
sebastien01
Le 05/10/2025 à 16:03:18
À la faveur d’un documentaire sur la récente dissolution du PKK, j’ai eu envie de relire à la suite les deux témoignages en BD de Zerocalcare sur cette région kurde située entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Second volume : No sleep till Shengal, publié en 2021.
Si l’on a peu gouté, comme cela fut mon cas, au style tant graphique que narratif de cet auteur italien sur sa précédente incursion au Moyen-Orient, on risque fort de ne pas l’apprécier à nouveau et je ne me répèterai pas dans ce second avis. Je persiste en effet à penser qu’il y a des sujets trop sérieux et complexes pour qu’ils soient traités avec un tel détachement.
Après la Syrie, Michele Rech est invité à donner une suite à son premier témoignage et à se rendre en Irak, dans le Sinjar, pour raconter le quotidien des Yézidis, autre minorité persécutée ou abandonnée à la persécution depuis des lustres par les différentes puissances en place. Toujours à la manière d’un blog, une bonne partie de l’album est consacrée à son périple en voiture car, qui l’eût cru, se rendre dans une zone de guerre quand on n’a rien à y faire reste une gageure. Et Zerocalcare de découvrir un peu naïvement à cette occasion toutes les difficultés administratives et sécuritaires locales.
Bref, une fois sur place, ce récit prend peu ou prou la même tournure que le précédent. De banales tranches de vie, des esquisses des différentes responsabilités dans les massacres perpétrés quelques années plus tôt, le tout en évitant poliment les sujets qui fâchent comme la responsabilité des Peshmerga en 2014, l’autodétermination, le pétrole ou la religion. L’auteur s’efforce tout de même, dans une brève séquence, d’interroger la partie adverse mais est aussitôt rabroué. Là-dessus, j’achève la lecture de ce second album avec le sentiment d’être face à une situation tristement inextricable.
Corentin ROBIN
Le 30/07/2023 à 16:58:54
Tres bonne bd qui met un coup de projecteur sur un sujet qui le nécessite bien: le génocide des kurdes yezidis du Sinjar en 2014, corollaire du développement de DAESCH. J'avais déjà adoré KOBANE CALLING, ce nouvel opus est de la même graine: courage du voyageur pour commencer, observation, descriptions, interactions, analyse de sujets complexes et tragiques, le tout avec la verve que l'on connaît à Michele Rech dans le tragique comme dans le comique, et ses dessins fouillis mais expressifs à la fois: du grand Art!
A connaître et à faire connaître.
minot
Le 09/02/2023 à 20:55:18
Dans la même veine que KOBANE CALLING, et donc très bon.
Zerocalcare témoigne dans cette BD / reportage de la situation des Ezidis (minorité religieuse méconnue de la communauté internationale et originaire de Shengal dans le nord de l'Irak), et nous présente leurs combats, leurs questionnements et leurs luttes pour leur autonomie sans cesse remise en question, que ce soit par les gouvernements irakiens et turcs ou les milices de Daesh, qui souhaitent tous les rayer de la carte, dans l'indifférence la plus totale de l'Occident.
Respect à lui pour son courage et son engagement, et merci pour cette BD à la fois instructive et émouvante (et parfois même drôle !).