Résumé: Une organisation terroriste, la Première Église de la Fraternité de la VOIX, planifie l’assassinat de la caste des journalistes (et ceux de la FOX en particulier). Endoctrinés et déterminés, les membres de cette secte ont juré de faire taire à jamais le mensonge que diffusent à longueur de journée les médias. Un mensonge qui, de bouche à oreille, se propage jusqu’à être intégré comme fait et vérité. Un mensonge qui tient la population en laisse.
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ew York, capitale mondiale de la communication. C’est ici que La Voix a décidé de mener sa croisade contre la désinformation et la propagande. Ses cibles désignées : les journalistes et les grands médias. Pourquoi ? Dans quel but ?
Jonathan Hickman produit dans cette intégrale, déjà publiée outre-Atlantique chez Image Comics en novembre 2011, un dessin des plus singuliers et surprenants. Conservant a minima la structure classique des cases, il privilégie à maintes reprises une approche verticale de ses planches et articule nombre de celles-ci autour d’une image centrale sur laquelle viennent s’assembler deux ou trois compositions secondaires. Et si la densité du récitatif comme l’enchaînement des phylactères ou une typographie frustre demandent la plus grande attention et rendent la lecture parfois laborieuse, ils possèdent le mérite d’obliger à rentrer totalement dans ce récit sans concession. Parallèlement, le choix osé en matière de mise en couleur et le recours palliatif aux designers pour compenser l’absence quasi systématique de fond dématérialisent encore plus le propos. Car au-delà de l’aspect visuel, parfois déroutant, c’est l’atmosphère si particulière qui suinte à chaque page qui étonne et détonne. À la limite du psychédélique et de l’hallucination, Jonathan Hickman installe son récit dans un contexte graphique qui déstabilise, fragilise et rend plus réceptif, plus perméable à l’histoire proposée.
L’autre force de cet album est le scénario et la question sous-jacente qu'il pose. Ce comics est-il un acte militant dénonçant la servilité, comme la puissance, des majors de l’information ou, plus prosaïquement, un simple exercice de style brillamment interprété ? Au fil de sa progression, le lecteur hésite, partagé entre l’empathie de la lutte menée par John Guyton et ses coreligionnaires et le rejet qu’inspire la radicalité des moyens utilisés par leur Église de la fraternité de la Voix. Du manipulateur ou du manipulé, il est difficile de savoir qui est qui, et, dans une habile mise en abyme, la confuse impression que les choses ne sont pas telles qu’elles devraient être être se mue en certitude.
Une fois refermé, il reste la conviction de tenir entre les mains un comics atypique, efficace et particulièrement bien pensé et travaillé. Toutefois, il convient de ne pas oublier que l'apparence des choses est parfois trompeuse et qu'il faut se méfier de certaines évidences...