Résumé: Rio de Janeiro, 1953. Maria, métisse de 13 ans, est élevée comme une jeune bourgeoise blanche de Copacabana. Or sa mère, qu'on prend pour sa bonne, est noire, analphabète, femme de ménage... et prête à tous les sacrifices pour que sa fille ne vive pas l'injustice de la négritude. Mais on n'échappe pas si facilement à sa condition. La vie de Maria est bouleversée quand un jour elle pénètre dans la favela où vit le reste de sa famille.
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Tu es une descendante d’esclaves ma chérie, et bien que l’esclavage soit aboli depuis 65 ans, crois-moi, il vaut mieux être blanc que noir… A moins d’être musicien ou footballeur… ". Ces quelques mots laissent penser que Maria, la fille de Dona Olinda, peut choisir librement sa couleur de peau. La raison en est simple : la jeune brésilienne de 13 ans est métisse, de mère noire. Cette dernière, ayant connu la misère des favelas, souhaite donner à Maria une éducation bourgeoise, même si pour cela, elle renie une partie de ses origines.
Pas facile pour une ado de 13 ans de devoir trier dans ses fréquentations, de faire passer sa mère pour une nounou analphabète ou de ne pas pouvoir rendre visite à sa famille qui vit encore dans les quartiers défavorisés de Rio. On pourrait croire que Maria a de la chance, elle, de résider dans un "appartement pour riches" à Copacabana, de côtoyer filles et fils de diplomates ou d’étudier dans les meilleures écoles de la ville. Mais elle aimerait aussi pouvoir sortir de sa prison dorée pour aller danser avec Toquinho, un ami musicien. Le jeune homme est également vendeur à la sauvette et essaie, tant bien que mal, de grappiller quelques sous pour survivre. Hélas, la vie dans la rue présente de nombreux dangers que Maria ignore. Tiraillée entre les sacrifices de sa mère et son désir de liberté, elle a du mal à faire de sa couleur de peau un véritable atout.
Jean-Christophe Camus est, lui aussi, né d’une mère brésilienne et d’un père blanc. Son récit, largement inspiré de celui de sa famille, évoque avec sensibilité le thème du métissage et de la négritude au Brésil. Au-delà d’une histoire assez tragique, Negrinha est également un joli message d’espoir. Bien malgré elle, Maria va devenir le trait d’union entre deux cultures, deux façons de vivre mais aussi deux peuples qui cohabitent sans forcément se connaître. Le scénario n’est pas à l’abri de quelques clichés qui viennent appuyer le propos sans toutefois le dénaturer : une épouse d’ambassadeur, oisive, abandonnée par son mari, et sa fille, blonde et pâle, qui va immédiatement se lier d’amitié avec Maria.
Les jolies peintures d’Olivier Tallec, dont Negrinha est la première bande dessinée, apportent un peu de vie à une narration parfois un peu terne. On aurait peut-être apprécié des décors un peu plus fouillés de façon à s’immerger plus profondément dans le Brésil du début des années 50. Mais l’auteur a choisi de privilégier les personnages, aux traits qui peuvent paraître simples, en conservant toute l’expressivité des visages.
Une préface de Gilberto Gil, ainsi qu’un lexique en fin d’album, viennent compléter un sympathique petit ouvrage, capable de procurer un agréable moment de lecture. Ce qui n’est déjà pas si mal.