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ctobre 1793, le capitaine Napoléon Bonaparte prend la tête du régiment d’artillerie de l’armée du Midi qui assiège Toulon, alors aux mains de l’alliance maritime européenne. Les difficultés sont nombreuses : la ville est extrêmement fortifiée, les généraux Carteaux et Doppet sont incompétents et ils élaborent des stratégies vouées à l’échec. Bonaparte les contre systématiquement mais ne peut rien faire jusqu’à ce que ses supérieurs soient remplacés par des hommes d’une autre trempe, Dugommier et Masséna. Egalement appuyé par les représentants de la Convention envoyés pour diriger la bataille, il peut enfin faire valoir sa tactique.
Tetsuya Hasegawa poursuit sa grande fresque sur la vie de Napoléon Ier. Sautant une période creuse de l’existence de celui-ci, il met en scène, dans ce troisième volume, le siège de Toulon (septembre à décembre 1793), son premier brillant succès.
De nouveau le mangaka démontre sa maîtrise du sujet qu’il aborde. En effet, il décrit avec minutie plusieurs aspects de cet épisode fondamental dans la carrière de Bonaparte et rend avec une certaine fidélité les problèmes qui se posent alors dans l’armée républicaine française. A savoir, en particulier, la pénurie de commandants compétents – Carteaux est peintre, Doppet médecin – suite à la fuite des officiers royalistes, et l’arrivée d’hommes de tous acabits qui parviennent à se faire un nom et accéder aux plus hauts postes, comme Masséna. Les encarts en fin de chapitre développent et expliquent largement ces divers aspects. De plus, l’auteur se plaît à donner une stature de héros volontaire, légèrement rebelle et inflexible à son personnage principal, enjolivant et forçant parfois le trait. Ainsi, lorsque Bonaparte abat la pancarte mentionnant « batterie de la Convention », pour y inscrire « batterie des hommes sans peur » sous le regard stupéfait et outragé d’un Saint-Just. La présence de ce dernier est d'ailleurs un pur caprice de l’auteur pour faire apparaître un individu qu’il admire et non un fait avéré. De même s’interroge-t-on sur la nécessité de la scène d’amour sous la guillotine qui n’apporte rien au récit.
Une fois digéré le graphisme à la Ken le Survivant, cependant moins marqué dans ce tome, le lecteur peut apprécier le réalisme des planches et le souci des détails. Comme précédemment, le trait épais et précis d’Hasegawa taille les visages des protagonistes au burin ; les plus connus sont immédiatement reconnaissables (Bonaparte, Saint-Just, Masséna) ; toutefois le général Dugommier d'Hasegawa n'a rien à voir physiquement avec le vrai et ressemble plutôt à un illuminé... Malgré un découpage classique, le dessin révèle le talent de l’auteur pour sublimer la bataille, sous la pluie et de nuit en l’occurrence. Et on peut apprécier longuement les plans de l’armée courant au combat. Enfin, il faut mentionner les efforts de Kami qui a corrigé les nombreuses erreurs de traduction des deux premiers tomes.
Ce troisième volume de Napoléon permet de (re)découvrir une des grandes batailles de la Révolution qui a aussi servi de tremplin à Bonaparte. Les qualités de la série se confirment et on se plaît à cette lecture malgré son côté panégyrique.