Info édition : Noté "/001" après le code ISBN. 13 pages d'interview des auteurs en fin d'album.
Résumé: « La squaw aux yeux clairs. » En 1836, au Texas, Cynthia Ann a 9 ans quand ses parents sont tués par un raid comanche. L'enfant survit à l'attaque mais est capturée. Vingt-quatre années passent, Cynthia Ann vit librement aux côtés de cette tribu qu'elle considère dorénavant comme sa famille. Quand en 1860, elle est ramenée contre son gré à Jacksboro, elle laisse derrière elle un foyer, un homme et des enfants. Celle qu'il faut dorénavant appeler Naduah est traitée comme une prisonnière et non comme une invitée par les Texans. Pourtant, dans les journaux, la réalité est déformée. On se félicite et se vante d'avoir sauvé une femme innocente des griffes des terribles sauvages. Malgré elle, Cynthia Ann devient le symbole fédérateur d'une nation qui l'a privé des êtres qu'elle aime... Séverine Vidal et Vincent Sorel s'emparent de l'étonnante histoire d'une femme par deux fois arrachée aux siens. Au travers d'une narration moderne où la fiction et l'histoire se croisent et se chevauchent, ils tracent le parcours d'une vie abimée par les mécanismes « pacificateurs » de la conquête de l'Ouest. Un ouvrage sensible, plein d'une tendresse qui souligne la cruauté d'un destin privé de liberté.
F
ille d'un Texas Ranger, Anabel est une enfant à part. Peu passionnée par l'école, elle préfère aider les autres grâce à ses remèdes à base de plantes. Lorsque son père rentre d'une longue mission avec une femme qui pourrait être Cynthia Ann Parker, kidnappée par les Comanches près de vingt-quatre ans plus tôt lors du massacre de Fort Parker, la jeune fille s'intéresse immédiatement à la nouvelle venue. Contrairement aux autres habitants qui ne voit en elle qu'une sauvage, la gamine va se lier d'amitié et essayer de la comprendre.
Symbole des enlèvements lors des guerres pour l'Amérique du Nord, Cynthia Ann Parker est aussi la mère du dernier chef des Comanches, Qwanah. Séverine Vidal (Magic Félix, L'Onde Dolto) et Vincent Sorel (La Revue dessinée, Les Aventures du Roi Singe) reviennent sur sa vie et ses tragédies. Mais plutôt que de verser dans la biographie tendance western avec les méchants indiens d'un côté et les courageux colons de l'autre, la scénariste - également romancière - use d'un artifice bienvenu. Elle introduit Anabel, témoin privilégié dont l'âge et la proximité avec le personnage principal permet d'opter pour un angle original. À la fois pleine d'empathie pour Cynthia Ann et fière de son père, la jeune fille joue la narratrice objective du récit. Loin des cavalcades, des duels dans la rue principale ou des parties de poker dans le saloon, l'intrigue imaginée par l'autrice du Plongeon prend le temps de développer ses atmosphères.
Pour y parvenir, le dessinateur n'hésite pas à proposer des séquences muettes, notamment pour les deux scènes de batailles. Habillées de tons rouges-orangés, elles tranchent radicalement avec la quiétude de Jacksboro (Texas) où Naduah est ramenée de force. Bien retranscrit, le bouleversement que représente ce retour pour elle est flagrant. Partie à neuf ans, elle revient mère de trente-trois ne répondant qu'au nom de Naduah contre sa volonté. Il témoigne également du peu de cas qu'il était alors fait de la volonté des femmes, dans une société patriarcale et violente. Avec son style peu académique, Vincent Sorel proposent des visages anguleux, un jeu de regards qui accentuent cette sensation. Ils renforcent la colère qui se dégage de leur héroïne, son désarroi aussi et sa grande détresse. L'impression que Cynthia-Naduah est perdue, ne se sent pas à sa place loin de ses enfants, de sa famille, des siens est parfaitement restituée. Jusqu'à son funeste chagrin.
Séverine Vidal et Vincent Sorel livrent un récit tout en pudeur, sombre et triste, sur le destin d'une femme doublement arrachée aux siens, qui se laissa dépérir plutôt que faire semblant. Une histoire lancinante et forte.
Les avis
Erik67
Le 27/10/2022 à 07:49:59
Cette BD conte l'histoire vraie de Cynthia Ann Parker devenue Naduah après son enlèvement par les Comanches alors qu'elle n'avait que 9 ans et qui sera arrachée une nouvelle fois à sa famille par les blancs à l'âge de 33 ans dans le Texas du XIXème siècle.
C'est tout le thème du déracinement qui est abordé et plus largement celui de la femme soumise à la volonté des hommes. La séparation par rapport à sa famille et à son clan est plus que déchirant. On peut avoir un sentiment de révolte suite à cette lecture.
La force de cette œuvre est de bien camper le personnage de Naduah auquel on va très vite s'attacher car d'une grande dignité et d'une belle grâce. On ne peut que regretter son sort et être assez triste par rapport aux épreuves subies.
Une autre dimension apportée par cette lecture est celle du massacre des indiens par les hommes blancs qui ont volé leurs terres et apporter les épidémies les décimant ou l'alcool pour les abrutir. Ils leur ont tout pris. On peut se demander qui sont les sauvages ? C'est un mode de vie en parfait accord avec la nature qui disparaît...
J'ai bien aimé ce trait qui demeure réaliste malgré une certaine forme de naïveté et une colorisation plutôt douce. Il y a par ailleurs de belles pages qui nous décrivent bien les grands espaces de l'Ouest américain. Et puis, il y a une narration tout à fait impeccable qui rend la lecture très agréable. La fin est tellement émouvante...
Un bémol cependant avec la naissance de Fleur de Prairie qui est affichée clairement en 1858. Il s'agit de la fille de Naduah qu'on retrouve encore un petit bébé en 1860 lorsqu'elle est capturée par les hommes blancs. Or, un bébé, cela grandit vite et surtout en l'espace de deux ans. Je n'aime pas trop ce genre d'incohérence dans un récit.
Autre erreur de taille : Naduah est capturée en Décembre 1860 alors que la scène de départ où l'on fait officiellement sa rencontre dans la ville des blancs se situe durant le printemps 1860. Oui, il faut faire attention à la datation des événements pour ne pas tomber dans l'amateurisme.
J'ai beaucoup aimé la version de l'auteure Séverine Vidal pour expliquer la vie de cette femme qui avait été enlevé dans sa jeunesse et qui a grandi au milieu des indiens. On est loin du syndrome de Stockholm. Non, on est véritablement dans l'amour. On se rapprocherait de la vision du célèbre film de Kevin Costner à savoir « Danse avec les loups ».
Au final, c'est quand même une histoire véritablement poignante qui est très bien servie par un dessin expressif. C'est une de ces parutions à ne pas rater mais qui n'a pas bénéficié d'une grande publicité lors de sa sortie ce qui est dommage. Donc, c'est tout bon pour un rattrapage.