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éfugiés chez la Folle-aux-abeilles, Maoye et Fleur-du-Fourgue, écoutent la suite de l’histoire de Cai et Huang. C’est l’occasion d’en apprendre plus sur le syndrome d’apidispersivité, cette étrange maladie qui transforme les hommes en essaim d’abeilles. Existerait-il un remède comme le suggère Feng Zhi, ce paria ami du père de Huang ? Et pourquoi Trois-Mûriers envoie-t-il ses tueurs l’éliminer ?
My Street raconte deux histoires : celle de Maoye et de Fleur-du-Fourgue, celle de Huang et Cai. Les deux duos se ressemblent : un garçon, une fille, les bas-fonds d’une cité européenne, les meurtres, la mafia, des morceaux de rêves qui tentent d’éclore et de fleurir. Les récits s’entremêlent et se nourrissent l’un de l’autre.
Nie Jun (Diu Diu) nous entraîne hors du temps, dans un espace déroutant, fantastique, qui pourtant recèle quelque chose de familier. Il peint une certaine diaspora chinoise, des quartiers sordides peuplés de malfrats aussi crasseux qu’obscènes et se complait à souligner ce qu’il y a de plus vil dans la nature humaine, ainsi que la mort, la grisaille qui s’infiltre par les pores de la peau et annihile l’espoir. A cela, il oppose les cœurs purs des héros, leur naïveté, leur quête de liberté qui se traduit par des actions aussi anarchiques qu’insouciantes. Le ton est sombre, la plume trempe dans le fiel du pessimisme, cependant pour déstabiliser encore plus le lecteur, Nie Jun en appelle à l’imaginaire le plus débridé, à la folie douce pour créer son univers si particulier.
Cette double dimension se retrouve dans le dessin où la mise en scène est dynamique et fait tourbillonner les personnages entre terre et airs. Les cases explosent dans un coup de feu, s’imprègnent de sang, affichent les visages d’hallucinés ou de veules protagonistes. Les décors sont impressionnants par leur déstructuration, leur côté onirique, toujours à la limite du possible et de l’improbable.
Dans My Street, Nie Jun nous raconte un monde cruel où la misère se conjugue avec la violence tandis que les espoirs semblent couler dans le cloaque où végète la lie. On s'y laisse guider et dépayser avec plaisir et curiosité.