Résumé: Entre les statues de marbre et les tableaux de maîtres, les visiteurs du musée d’Orsay posent tantôt des yeux admiratifs, tantôt un regard perplexe sur les chefs-d’oeuvre qui bordent les allées. Ils échangent dans un murmure discret et continuent leur déambulation. Mais lorsque les portes du musée d'Orsay ferment et que la nuit tombe, les sculptures et les peintures quittent la pose, descendent de leur socle, s'animent, se détendent, se mettent à se raconter, s’interrogent ou commentent ce qu'elles ont pu voir ou entendre au cours de la journée.
L’Olympia de Manet, qui en a peut-être assez de passer sa vie allongée, déserte sa couche ; les Raboteurs de parquet de Caillebotte, fatigués, délaissent les lattes du parquet ; et Héraclès se dirige, comme à son habitude, tout droit vers sa pièce favorite : les toilettes. Certains se retrouvent pour dresser un portrait peu flatteur des visiteurs indélicats ; d’autres, désabusés, s’assoient pour observer l’absurdité du monde à travers les vitraux de la grande horloge. D’autres encore accueillent les nouveaux venus, car les collections s’agrandissent ! Au petit matin, toutes les oeuvres regagnent leur socle ou leur cadre et reprennent la pose avant l'ouverture des portes. Un quotidien au musée où l’on découvre que tour à tour, les rôles s'inversent. Que peuvent bien penser de nous les peintures et les sculptures à force de nous observer et de nous écouter dans les couloirs et les salles d'un musée tout au long de la journée ?… Ce que de jour les « regardeurs » disent des regardés, et surtout ce que de nuit les regardés racontent des « regardeurs ». Le lecteur devient témoin et spectateur d'un quotidien aussi bien nocturne que diurne dans le musée.
Fin observateur, Christophe Chabouté signe un album plein de poésie qui nous invite à réfléchir sur notre rapport à l’art, nos certitudes et à la manière dont nous percevons le monde. Se jouant des visiteurs mais jamais du lecteur, il laisse place à la contemplation avec humour et sensibilité.
L
’homme se dit silencieux, mais il est des silences qui valent bien des discours…
Une page blanche, un trait noir, des aplats qui le sont tout autant. Une ligne, puis une forme ; l’esquisse d’un mouvement, puis la vie. Au début, le verbe est rare ; puis progressivement, même si les silences prédéfinissent l’essentiel, seuls les mots - avec leur simpliste évidence ou leur pédantesque abstraction – peuvent en ciseler les contours pour en exprimer toutes les nuances.
Le jour, une foule hétéroclite aux motivations composites envahit les allées de cette gare devenue musée. Mais le soir venu, Les raboteurs de Caillebotte délaissent leur ouvrage, La Pensée d’Aristide Maillol se confit, L'Origine du monde se fond dans la nuit et Berthe Morisot guette à la fenêtre celui qu’elle fascine, tandis que Les Célébrités du Juste milieu jouent les commères...
Christophe Chabouté possède l’art et la manière de transposer sur le papier, les émois de la psyché de ses personnages et le mystère des lieux. D’une incroyable simplicité, mais d’une évidente justesse, il dessine les visiteurs et les visités avec une profondeur et une précision qui revêt une forme d’aboutissement. Tout est dit, en peu de mots, en une séquence, en quelques planches.
Par bien des égards Musée est, à l’image des tableaux et sculptures qu’il dépeint, le fruit d’un processus individuel d’interprétation qui transcende le quotidien et acquiert une dimension artistique au travers de l’émotion suscitée.
À lire avant d’aller se perdre à Orsay et de secrètement espérer pouvoir y passer une nuit à câliner L’Ours de François Pompon ou à se consumer pour Madame Rimsky Korsakov.
La preview
Les avis
Sasaze
Le 21/12/2023 à 12:39:34
Jouissif avec plein de personnages bien reconnaissables, un excellent scénario écrit avec humour et un magnifique graphisme. j'adore !
eleanore-clo
Le 30/04/2023 à 09:14:00
La meilleure BD à ce jour de Chabouté. Un conte poétique, humaniste et tendre qui parle des deux collections du Musée d'Orsay : les œuvres d'art mais aussi les visiteurs. Une réflexion philosophique sur la vie, la mort, l'amour, l'absurdité de l'existence, .. Une suprême respiration entre pages muettes et pages avec dialogues. Une œuvre universelle où l'humanité de chair et de sang et celle de toiles et de pierre nous expliquent avec une fausse naïveté que la vie est belle dans sa diversité. Et comme d'habitude, une maitrise totale du noir et blanc, déclinée à travers les scènes diurnes et nocturnes. Et la fin où Berthe Morisot finit par rencontrer le promeneur entraperçu sous les fenêtres scelle la fusion des deux mondes, dans un amour absolu.
roquevidal
Le 28/04/2023 à 16:08:01
Du très grand Chabouté. Au travers des échanges entre les statues et les peintures du musée d'Orsay, qui tous les soirs prennent vie pour commenter à leur manière l'attitude des nombreux visiteurs de la journée, Chabouté, tel un magicien, porte un regard tendre, naïf mais parfois critique sur notre monde. Une parfaite réussite