Info édition : Noté "Première édition". 2 pages de glossaire en fin d'album.
Résumé: Un homme, une femme - un talent commun pour la manipulation, qu'il s'agisse de l'empereur ou d'esclaves gladiateurs, de poètes ou de femmes amoureuses... Tigellin, l'animal à sang froid, l'âme damnée de Néron, conseille à ce dernier d'organiser des Jeux grandioses pour distraire le peuple, lui faire oublier le grand incendie de Rome, la conspiration de Pison... et pour permettre à l'empereur de remporter les palmes du plus grand poète, et flatter ainsi son orgueil... Orgueil que Tigellin n'est pas le seul à manoeuvrer : la redoutable guerrière, l'Hydre, est toujours là, tapie dans un recoin, et son influence inquiète même l'impératrice Poppée. Les deux manipulateurs font la paire : quand l'un est guidé par une ambition démesurée, l'autre est en quête d'un exutoire à sa rage nourrie ses années au service d'Insanius.
Les vieux démons se réveillent, le passé et les souvenirs ressurgissent, tout comme les racines de l'amitié, si solides... Il n'en fallait pas davantage pour que Lucius Murena, sous les yeux de l'Hydre, déclare à son empereur : « Il faut que je reste. Tu as besoin de moi. Comme j'ai besoin de toi ».
Avec ce treizième tome, un nouveau cycle s'ouvre pour Murena, la grande saga créée par Jean Dufaux et Philippe Delaby. Ce quatrième et dernier cycle sera mis en images par Jérémy. Connu pour sa série Vesper et pour son admirable travail sur Barracuda, il a démarré à l'âge de 17 ans auprès de Delaby lui-même, en tant qu'assistant et coloriste ! Il reprend avec brio le flambeau de son maître, et ses aquarelles illuminent les planches de ce nouveau tome, « Les Neronia » !
D
ans son palais, Néron est loin d’être seul. Nombreux sont ceux qui se pressent autour de l’empereur et soufflent à son oreille, à commencer par son épouse Poppée, qui attend leur enfant. À ce petit jeu, Tigellin excelle, à tel point que certains s’interrogent : qui dirige réellement l’Empire ? Son dernier conseil en date est d’organiser de grands jeux, les Neronia, pour faire oublier les épisodes malheureux de l’incendie de Rome et de la conjuration de Pison qui avait conduit, notamment à la mort de Sénèque. Mais l’éminence grise n’est plus le seul à être écouté. L’Hydre est désormais pleinement entrée dans les grâces de César et joue un rôle grandissant à ses côtés.
L’année dernière se concluait le troisième cycle, dit des complots, de l’ambitieuse série Murena. Ce nouveau tome constitue un double évènement : d’une part, par le lancement d’un nouveau cycle – qui, il faut le rappeler, sera le dernier – et, d’autre part, par l’arrivée aux pinceaux d’un nouveau dessinateur.
L’histoire reprend sur un rythme plus lent et cela est compréhensible. Après la fin du cycle précédent où la tension était palpable, de nouveaux enjeux sont posés. Les grandes révélations attendront donc un peu et ce treizième volet prend le temps de réinstaller la situation. Pour autant, Jean Dufaux sait mener son affaire et n’oublie pas d’insérer plusieurs rebondissements et, en particulier, un évènement qui sera sans aucun doute structurant pour la suite. Maniant toujours avec justesse l’équilibre entre réalité historique documentée (et commentée en fin d’ouvrage) et fiction, le scénariste poursuit, surtout, l’exploration de ses personnages. Car ce péplum ne se borne pas à raconter une facette de la Rome antique mais se concentre sur des destins personnels hors du commun. La folie et la paranoïa qui animaient César semblent s’être légèrement dissipées, mais les influences néfastes qui s’agitent autour de l’empereur sont plus fortes que jamais. Une forme de mégalomanie malsaine s’affirme par ailleurs et la courtisanerie bat son plein.
Que Jérémy (Les chevaliers d’Héliopolis, Vesper) prenne la relève de Philippe Delaby sur Murena pouvait apparaître comme une évidence pour beaucoup de lecteurs. Le dessinateur belge, coloriste des tomes 5 à 8, a en effet beaucoup appris aux côtés de son regretté aîné. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Entre la charge émotionnelle que cela pouvait représenter et d’autres projets à mener, le moment n’était pas venu. Alors que l’arrêt de la saga a, un temps, été envisagé, c’est finalement Theo qui avait pris le relais. Et il faut saluer son travail qui s’est bonifié au cours des trois albums concernés avant d’atteindre ce qui est, sans doute, la meilleure prestation possible dans le douzième chapitre. Le changement opéré n’a donc pas trait à la qualité de son dessin, et Theo retrouvera d’ailleurs l’univers en illustrant un spin-off. Non, il était davantage question de délais et de rythme de parution. Car l’artiste italien n’était pas en mesure de soutenir une cadence permettant d’identifier clairement l’horizon de la fin de la série tout en conservant tout l’intérêt du lectorat. C’est dans ce contexte que les planètes se sont donc alignées pour que Jérémy reprenne le flambeau.
Dire qu’il s’en sort bien relèverait de l’euphémisme. Le dessinateur n’a visiblement pas eu besoin de tour de chauffe et étale son talent tout au long des quarante-six planches avec ce qu’il faut de respect des codes de la série et de touche personnelle. Côté personnages, les bédéphiles ne seront jamais perdus car les traits physiques caractéristiques sont parfaitement repris. Jérémy propose des visages un peu moins anguleux que son prédécesseur, dans les nez ou les mâchoires notamment. Les compositions sont quant à elles dans les canons du titre : classiques mais d’une efficacité redoutable. Particulièrement à travers les cadrages, une vraie personnalité graphique s’impose. La qualité des pages doit aussi beaucoup aux couleurs directes très appliquées et au grand soin accordé aux détails dans les décors.
Voici donc la Rome de Néron et Lucius Murena mise en piste pour son dernier cycle. Un sentiment domine à l’issue de cet épisode : une furieuse impatience de découvrir la suite !