U
n accident de voiture, et tout bascule. Antoine a été brulé : son corps et en particulier son visage - le miroir de l’âme – sont à vif. Depuis, il vit retranché dans sa maison et refuse les appels de ses proches. La folie gagne doucement.
Celui qui a été défiguré par le feu peut avoir cela d’effrayant, c’est qu’il semble comme tout droit sorti de l’enfer. De fait, la confrontation au regard de l’autre, fuyant et scrutant, est légitimement appréhendée par le concerné (sur le même sujet, vous pouvez lire : Erick Vauthier pompier de Paris). Antoine a opté pour un repli sur soi absolu, mais, au fur et à mesure que le voile se lève sur ce qui a précédé l'accident, il s’avère que ce choix ne découle pas uniquement de ce drame. De là, le titre prend comme un double sens maladroit qui ouvre le récit vers d’autres possibilités plus anecdotiques, et surtout plus dispensables, qui viennent encombrer le cœur de l’histoire. C’est dommage, parce que la thématique centrale de l’album était certes complexe à aborder avec justesse, mais s’y essayer frontalement constituait un beau défi ; en l’occurrence esquivé. Cette dérive aura même un effet plus pervers, c’est que le black-out total qui est observé sur la période qui s’étend entre l’accident et le retour à la maison va rapidement s’imposer comme un élément manquant au puzzle. Avec cet effet d’évitement du monstre physique pour une autre espèce bien plus commune de « mini-monstre » volage, l’histoire s’est égarée et a perdu de son potentiel de départ. Malgré cela, certains moments liés à la reconstruction d’Antoine sont bien vus, notamment ceux où sa part d’humanité regagne du terrain dans le désert affectif qu’il s’est créé.
Au dessin, Tom s’approprie bien le sujet, avec un trait assez nerveux et un travail particulièrement réussi sur le personnage principal, même si, par instants, l’impression de voir apparaître un faciès qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Freddy Krueger (la faute au chapeau) n’est pas forcément une bonne idée dans le contexte. Il convient de noter de l’audace dans certains enchaînements, entre autres quand il use de petites cases - de celles que certains auteurs outre-Atlantique affectionnent -, le problème étant que le procédé n’est sans doute pas toujours utilisé à bon escient. Il en va de même de la volonté d’introduire une part d’esthétisme dans certaines planches : à trop forcer l’effet, cette démarche prend le pas sur le fond et ne sert pas la narration. L’usage des couleurs est plutôt assez bien vu, notamment dans les contrastes d’ambiance qu’il engendre entre les différentes séquences.
Le monstre se lit bien, la thématique est intéressante, mais le tout souffre de maladresses qui n’ont pas été cadrées et qui n’ont pas permis au récit de prendre l’ampleur qu’il aurait pu.
Les avis
Erik67
Le 25/11/2020 à 17:29:54
Le monstre est un regard sans concession sur un homme qui a perdu son visage suite à de graves brûlures lièes à un accident de voiture. On souffre avec lui dans une solitude où il s'enferme pour éviter le regard des autres. Toute cette frustration va le mener aux confins de la folie. C'est un drame psychologique à découvrir mais dont la lecture ne sera pas forcément marrante. Il faut en avoir envie.
On découvre également, grâce à cette maison d'édition qu'est Manolosanctis, de nouveaux talents avec des jeunes auteurs émergents qui ne font pas dans le grand public. C'est poignant car traité avec subtilité dans une ambiance étouffante et presque claustrophobique.