Résumé: Paul-Jean Husson est un écrivain bien né, grand bourgeois, éduqué, instruit, héros de la Première Guerre mondiale (il a même perdu un bras au front), auteur de livres loués par la critique et prisés du public, assez habile pour siéger à la fois à l'Académie française et à l'Académie Goncourt. Son fils lui présente celle qui deviendra sa femme, Ilse : une jeune actrice de cinéma Allemande connue dans son pays sous le nom d'Elsie Berger. Lorsque la guerre éclate, le fils Husson part pour Londres, laissant sa femme au côté de son père. Paul-Jean Husson en tombe éperdument amoureux, mais découvre rapidement que sa belle-fille est juive. Partagé entre son antisémitisme viscéral et cet amour interdit, Husson entreprend alors une invraisemblable virée en compagnie de celle qu'il ne cesse de désirer, à travers la France de l'exode.
Pétainiste convaincu, Paul-Jean Husson se livre à travers une lettre de délation qu'il adresse à « Monsieur le Commandant » et démontre que la part la plus vile de l'âme humaine ne trouve de meilleure place où se révéler que dans le genre épistolaire.
Terrifiant ! Dès les premières lignes, nous savons de quoi il est question. Les talents combinés du trio d'auteurs tiennent en haleine le lecteur sonné qui redoute une issue dont il a pourtant deviné qu'elle était fatale. Suivez les dérives, de 1932 à 1942, plus sentimentales qu'idéologiques d'un homme qui était tout sauf un sot.
À
l'aube de la Seconde Guerre mondiale, Paul-Jean Husson, auteur reconnu et académicien à qui tout sourit ou presque, affiche de plus en plus au grand jour son antisémitisme. Mais lorsque son fils Olivier lui présente sa futur femme, Isle, ancienne actrice juive allemande, il voit son petit monde vaciller. Ce que lui dicte son cœur bouleverse ses convictions. Comment lui, le soldat mutilé de la Grande Guerre, père de famille respectable et pétainiste convaincu, peut-il avoir ce genre de sentiment pour cette femme ? C'est par la plume que l'homme de lettres tente de l'expliquer en écrivant à un commandant de l'armée d'occupation.
Qu'ils s'agissent de créations originales comme Il était une fois en France (Fabien Nury et Sylvain Vallée, Glénat), La guerre d'Alan (Emmanuel Guibert, l'Association) ou le récent Seules à Berlin (de Nicolas Junker, Casterman) ou d'adaptations comme Kersten, médecin d'Himmler (Par Berna et Fabien Bedouel, Glénat) ou Elle s'appelait Sarah (Pascal Bresson et Horne, Marabout), le neuvième art a toujours été friand des récits sur le conflit de 39-45. En livrant leur version du roman de Romain Slocombe, Monsieur le commandant, Xavier Bétaucourt (Le Grand A, Noir Métal) et Étienne Oburie (L'Assassin des petits carreaux) apportent leur pierre à l'édifice.
La gravité de cette histoire autant que le côté antipathique de son personnage central, qui avaient été remarqués lors de la parution de l'œuvre originale, se retrouvent totalement dans cet album. Ce dernier aspect est bien mis en relief par les choix de mise en scène du dessinateur et les séquences en rouge orange. Malgré la mutilation et le contexte, la jalousie et la cruauté de Husson père ressortent avec force. Si le format BD ne permet pas de développer les protagonistes autant qu'ils le méritent, notamment la belle-fille, Xavier Bétaucourt parvient à faire monter la tension avec efficacité, jusqu'au dérapage du patriarche et ses conséquences. L'ensemble est bien construit, tant au niveau du rythme que l'usage de quelques retours arrière et la lecture s'effectue d'une traite.
Glaçant, Monsieur le commandant rappelle une partie de l'histoire européenne en racontant une affaire aussi sordide que triste. Une adaptation tout en retenue mais réussie d'un roman qui l'est tout autant.
Les avis
Erik67
Le 20/05/2022 à 07:58:56
A la dernière page tournée, je me suis écrié « mais quelle horrible histoire ! » de par son caractère assez dramatique. Par ailleurs, le dossier tout à la fin sur chacun des protagonistes indiquent qu'il s'agit d'une histoire vraie survenue pendant la Seconde Guerre Mondiale dans la France de l'Occupation où certains français d’obédience fasciste avait collaboré avec l'ennemi.
J'ai lu d'une traite ce qui est plutôt bon signe. C'est captivant de bout en bout avec un protagoniste principal qu'on va aimer haïr jusqu'à la dernière page entre lâcheté et pathétisme. Tout part d'une lettre de dénonciation et d'explication. Le thème principal est l'antisémitisme qui sévissait dans notre pays durant cette période trouble et qui avait des conséquences atroces et inhumaines.
Cela nous montre également le paroxysme des contradictions humaines notamment avec un homme qui tente de résister à la tentation de la belle juive. Passion, désir et racisme mélangé.
Cette lecture permet de se plonger dans une période charnière de l'histoire de notre pays et de mieux comprendre la folie antisémite.