L
iv Schmitt a cinquante ans et pas une ride. Débarquée à Paris en mai 68 sous les pavés, elle a connu les drogues, liquides ou en poudre, le sexe, dans des chambres sordides ou devant la caméra. Avec de tels cocktails, il y avait de quoi disjoncter. Pourtant, la jeune femme a survécu, non sans mal ni sans blessures profondes.
Mon amie la poof, série en cinq volumes, a vu le jour sous la plume d'Efix en 1999. Presque dix ans plus tard, les éditions Petit à Petit rééditent sous la forme d'intégrale cette œuvre aussi atypique qu'originale. Car le moins que l'on puisse dire est que cet ouvrage sort des sentiers battus avec un scénario alternant habilement les registres.
Efix relate l'existence bouleversante d'une prostituée où chaque étape importante de sa vie a été marquée par un homme. Le récit, même s'il revêt par moments un aspect sociologique, flirte continuellement avec le polar. L'humour, au second degré, est habilement amené et personnalisé par une voix off omniprésente permettant à Liv de revivre son passé avec le recul nécessaire. Ces conversations avec cet ami décédé sont de véritables pauses à la fois pour la Poof, mais aussi pour le lecteur afin de tenir le fil des évènements quelle que soit la densité du propos. Ces dialogues au bord du caveau assurent ainsi les repères temporels nécessaires à la série et se révèlent d'autant plus importants que cette intégrale ne possède pas la respiration naturelle propre à la succession des albums.
Mon amie la poof est une œuvre où l'émotion est telle que l'héroïne, qui vit passionnément chaque événement de son existence, la ressent : à fleur de peau. La somme des expériences est très riche et l'auteur a su parfaitement jouer, tout au long de son récit, avec les drames et les moments de bonheur. L'ensemble est très cohérent et organisé de manière à ménager le suspense, tout en veillant à ne pas sombrer dans la tragédie.
Le style graphique d'Efix, simple et proche du cartoon, est également loin de laisser indifférent. Au premier abord, la perplexité domine car ce dessin ne cadre pas avec l'ambiance habituelle d'un polar aux accents dramatiques. Ici, l'auteur prend le lecteur à contre-pied afin de le surprendre. L'effet est réussi car cette apparente naïveté contrastant avec la dureté des épreuves traversées par Liv, tend à adoucir la mélancolie présente tout au long de l'album. La réalisation en noir et blanc convient parfaitement à de genre d'exercice, accentuant l'atmosphère noire et sordide.
Mon amie la poof est indiscutablement une œuvre à découvrir, pour le caractère fort de son intrigue et le choix graphique de son auteur. Ce style si particulier permet, comme c'est ce sera le cas plus tard avec Putain d'usine, de dédramatiser la situation, de la rendre plus facilement supportable. A noter, une fois n'est pas coutume, un rapport qualité/prix des plus intéressants au regard des 500 pages composant cette intégrale.