É
voquer la mort auprès des plus jeunes, tel est le défi que Delphine Cuveele, secondée par Daԝid au dessin, entreprend de relever dans Passe-passe. Un exercice difficile, pour ne pas dire périlleux, tant la tentation est grande de s’adonner au pathos. Ici, l’écueil est évité, largement même, le ton se révélant léger et la disparition s’orchestrant sur le mode d’une métaphore emplie de poésie et qui, bien que muette, ne manque nullement d’être des plus éloquentes.
En trente-six planches, l’auteure délivre son message : le départ d’un être cher, aussi triste qu’il soit, fait partie intégrante du cycle de la vie auquel nul n’échappe. C’est pourquoi elle s’efforce de présenter ce passage inévitable sans jamais le dramatiser. Si l’issue se profile dès les premières pages à travers la présence d’un papillon fantomatique qui s’arrête sur la tête d’une grand-mère, le déroulement de la journée qui suit ne met en scène que des émotions positives. Celles-ci correspondent en fait à tous les bons moments partagés par l’aïeule et sa petite-fille, mais aussi à ses caractéristiques qui nourriront la mémoire de sa descendante.
Progressive, la fin de la vieille dame trouve tout son sens visuellement, puisque, perdant petit à petit ses couleurs, elle les transmet au coléoptère omniprésent qui se pare ainsi de teintes chatoyantes jusqu’à ce que la mamie s’efface ne laissant que la trace colorée de son souvenir. Cette vision éthérée de la mort possède une justesse certaine et se veut délibérément positive. Cependant, d’aucuns pourront, à raison, déplorer ce côté trop gentil, trop rêveur, qui ne fait nulle place au chagrin qu’entraîne une perte. Ce serait oublier que l’album s’adresse prioritairement aux enfants et que si elle ne s’exprime pas forcément par des larmes, la douleur prend ici forme sous l’effet de l’étonnement de la fillette à chaque fois que sa grand-mère devient plus diaphane. Au final, le tour de passe-passe fait son effet. Que demander de plus ?