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as ou peu reconnu de son vivant, Amadeo Modigliani (1884 – 1920) est aujourd'hui une figure emblématique de l’École de Paris. Il est, avec Picasso, Toulouse-Lautrec, Soutine et quelques autres, de ceux qui ont forgé la légende de Montmartre. Il représente également, bien malgré lui, l'exemple type de l'artiste maudit : malade, alcoolique, vivant misérablement soutenu à bout de bras par une muse et quelques amis fidèles.
Laurent Seksik reprend la formule qu'il a inaugurée dans Les derniers jours de Stefan Sweig. Il cherche à mettre la vie de sa « victime » en perspective en se concentrant sur les dernières années de son existence. En toile de fond, le scénariste offre aussi un excellent portrait du Paris des années 1910. Miné par la tuberculose et les abus, Modigliani n'en a plus pour longtemps. Malgré l'estime de ses pairs, sa carrière n'a jamais vraiment décollé, déprimé et dégoûté par son époque – la première Guerre Mondiale fait rage – il sombre, petit à petit. À ses côtés, sa compagne, Jeanne Hébuterne tente tout pour l'aider. Seksik ne s'y trompe pas, c'est elle la vraie héroïne de l'histoire. Il lui consacre un portrait détaillé d'une grande mélancolie. En effet, à l'image de Charlotte Altmann (Lotte, la maîtresse de Sweig), celle-ci ne supportera pas la disparition de son amant. Si l'entame de l'album est un peu poussive et verbeuse, une fois les personnages en place, la lecture devient passionnante. La narration se révèle sombre, à la fois désespérée et magnifique.
Fabrice Le Hénanff (Ostfront, Westfront) immerge littéralement le lecteur. Ses planches très travaillées (trop par moments) à la mise en page explosée en imposent et, petit bémol, écrasent parfois les protagonistes. Le dessinateur évite intelligemment de se confronter avec les œuvres du peintre pour se concentrer sur son âme. Résultat, des pages vivantes et touffues dans lesquelles Le Hénanff déploie tout son talent, aussi bien dans la composition que les couleurs.
Biographie plus fragmentaire qu'exhaustive, Modigliani prince de la bohème impressionne tant par sa densité que son atmosphère implacable.
Les avis
Erik67
Le 02/09/2020 à 00:52:17
Modigliani fut un peintre non reconnu de son vivant et qui souffrait de la concurrence d’un certain Pablo Picasso. On va nous conter son histoire dans le Paris Montmartre des années de la Première Guerre Mondiale. Il voulait d’ailleurs s’engager pour défendre la patrie mais fut réformé.
En effet, il souffrait déjà depuis de nombreuses années de la tuberculose. Cette terrible maladie aura raison de lui. Plus surprenant encore sera le sort funeste de sa jeune compagne Anna qui lui fera un enfant juste avant qu’il ne meure. On admirera son indéfectible amour à celle qui a tout supporté dans cette descente aux enfers. Bref, ce sont les dernières années de sa vie qui sont mises en exergue par l’auteur qui avait d’ailleurs fait la même chose avec Stefan Zweig.
On apprend des choses assez intéressantes sur la vie de Modi. Je pense notamment au fait qu’il fut peintre par défaut ne pouvant pas exercer sa passion pour la sculpture. Je pense également à son entrevue avec Auguste Renoir le lubrique.
Pour une fois, cette tranche de vie n’est pas pompeuse. L’auteur a développé un véritable trait de personnalité. On s’attachera également moins aux œuvres produites bien que son célèbre autoportrait y figurera. On sait que cet artiste est très connu pour ses peintures de nus. Les amateurs de peinture risquent d’être déçus mais ce ne fut pas mon cas.
Mention spéciale également pour le dessinateur qui a réalisé un travail remarquable de maturité. Une colorisation réussie. Des cadrages extraordinaires qui s’accommodent de longs textes avec des planches décloisonnées.
J’ai beaucoup apprécié cette œuvre qui décrit parfaitement une certaine ambiance du milieu artistique et bohême de ces artistes venus tenter leur chance dans la capitale. C’est de là que provient la fameuse expression des bobos.
L’artiste fait partie des peintres maudits qui ont versé dans l’excès : alcool, drogue, prostitution. Un tel mode de vie n’est pas très sain pour la santé mais je ne me permettrais pas de juger même si à titre personnel, je ne cautionne pas. Une de ces citations : « Je hais le goût de vivre. Je bois pour m’ôter ce goût de la bouche ». Il n’arrive plus à respirer la vie qui lui est insupportable.
En conclusion, nous avons une biographie parcellaire qui est très réussie. Cela impressionne !