Info édition : Couverture souple avec rabats. Noté "Première édition".
Résumé: Le Mode d'emploi de tout s'impose comme le document de référence pour savoir ce qu'il faut et surtout ce qu'il ne faut pas faire avec tous les objets à notre portée. Fiche après fiche, notre testeur va vivre une aventure, non sans danger notamment avec la mafia japonaise, qui l'amènera jusqu'en prison. Car oui, il y a toujours un risque quand on utilise un objet et on peut vite en payer le prix.
Y
acine Belhousse (scénario) et Ben Renaut (dessin), dont Le Mode d’emploi de tout est la première publication, proposent une sorte d’encyclopédie en soixante dix-sept planches, un manuel de bonne utilisation de la vie et des choses. Ce bréviaire pragmatique est le résultat de choix à la subjectivité assumée et à la fantaisie revendiquée. Rien de sérieux ni d’exhaustif dans cet album, surtout pas.
Le principe est simple : à une planche (six cases) correspondent un thème, un objet ou un élément, mais également une phrase qui, répétée aveuglément de case en case, quelle que soit l’illustration, ne manque pas de créer un décalage plaisant. Dans les objets dont l’utilisation est précisément décrite se trouvent pêle-mêle une serviette éponge, un steak, un tiroir ou un dermographe. Dans un registre plus abstrait sont présentés l’usage de l’amour d’un père (avec lequel l’auteur semble avoir un compte à régler), l’ennui, le mensonge ou la panique. L’enfer du salariat, une enquête de police ou « un truc qui fait pouêt pouêt » sont aussi scrupuleusement abordés.
La lecture des premières pages peut laisser sceptique, mais la mécanique se révélant au fur et à mesure, la démarche finit par séduire. La première case est toujours dans la norme (paraphrasant une situation du quotidien) et tout dérape dès la deuxième, via un crescendo qui culmine en bas de page vers un comique absurde et débridé. Parfois cet ordre est inversé, les épisodes ont une suite, l’auteur se cite lui-même et emprunte une situation d’un autre gag. Au final c’est un réseau chaotique et imprévisible qui est couché sur les pages, dans un seul objectif : faire rire. Des lieux reviennent plusieurs fois (le domicile de cet individu central à l’air totalement crétin, la prison ou l’atelier de tatouage). Quelques personnages sont récurrents : l’ami, le yakusa ou Gros Joe le codétenu. Ils créent un univers dans lequel il est finalement aisé de se laisser aller et de se perdre.
Par-delà la comédie, quelques piques sont envoyées à la société contemporaine (la télévision, les réseaux sociaux ou l’art contemporain), sans grande originalité mais donnant une dimension supplémentaire au projet. Le graphisme est délibérément froid, sec et dépouillé, réduisant le décor à sa plus simple expression et concentrant le regard sur les protagonistes et les éléments tangibles nécessaires. Les couleurs ne cherchent pas à faire sens, seulement à guider l’œil et à marquer les contrastes.
Les amateurs de Franquin (celui de Gaston), de Gotlib, d’Édika et de l’écurie Fluide Glacial des années 80, de F’Murr (Le Génie des alpages) ou Geluck (Le Chat), qui ne sont pas allergiques à Eugène Ionesco ou à Georges Pérec, y trouveront leur compte.