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ersonnage emblématique de la Vème République, François Mitterrand est également reconnu comme un des plus fins hommes politiques de son époque. Si c'est sous le signe de la rose qu'il a finalement accédé à la présidence, son parcours indique qu'il a beaucoup hésité avant de choisir son camp. Issu d'une famille bourgeoise catholique traditionnelle, il frayait dans les milieux antisémites bien-pensants, sans vraiment partager leurs certitudes. Fait prisonnier lors de la débâcle de 1940, il s'évade et se rallie au gouvernement de Pétain dont le discours rassembleur le séduit. Rapidement déçu par la tournure des événements, il entre dans la Résistance et devient « Morland ». Il participe, entre autre, à la libération de Paris. Au sortir de la guerre, il ne sait pas encore ce que le destin lui réservera.
Philippe Richelle nage au beau milieu de sa zone de confort dans Mitterrand un jeune homme de droite. En effet, le scénariste d'Amours Fragiles, des Coulisses du pouvoir et des Mystères de la République connaît la musique quand il s'agit de se pencher sur les années 1930-1940 et l'Occupation ! Très respectueux, il dresse un portrait flatteur de son sujet. Oui Mitterrand a fréquenté des sympathisants fascistes, oui il a « collaboré » avec le régime de Vichy et, oui certaines de ses prises de position peuvent détonner d'aujourd'hui. Oui, mais, il avait ses raisons et, à y regarder de plus près, elles étaient surtout guidées par la réflexion et une volonté sans faille de bien faire à ces instants précis. Comme le reste de sa carrière l'a montré, l'homme est avant tout un fin calculateur, cultivé et intelligent : quand il s'engage, c'est pour arriver à ses fins. À défaut d'apporter un réel regard critique sur cette trajectoire, Richelle réalise une biographie appliquée et agréable à parcourir. En complément, la bibliographie proposée en fin d'ouvrage permettra au lecteur curieux d'approfondir ses connaissances.
Pour montrer cette époque troublée, Frédéric Rébéna a choisi une approche à la fois simple et décalée. En faisant fi de l'encrage, il permet à son trait de rester « ouvert », un peu flou comme de vieux souvenirs. Cette technique permet de donner un ton suranné à la narration sans tomber dans le piège de la lourdeur des couleurs sépias utilisées habituellement pour ce genre de récit. Elle donne aussi beaucoup d'énergie aux planches avec un côté croquis pris sur le vif, comme au cœur de l'action. Seul un certain manque de précision dans les visages – il est parfois un peu difficile de discerner les différents acteurs – se fait remarquer.
Regard intéressant et très attentionné, Mitterrand un jeune homme de droite offre une peinture claire et lucide sur la jeunesse de l'homme de Jarnac.
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 23:26:52
C'est une bonne idée que de livrer un récit sur la jeunesse de l'un des deux présidents les plus marquants de la Cinquième République. Il est vrai qu'on ne connaissait pas très bien son passé, l'homme ayant toujours conservé une bonne part de mystère. Il faut dire qu'on a découvert pas mal de choses depuis sa mort et notamment ses liens avec le régime de Vichy avant son basculement dans la résistance fin 1942.
L'auteur Philippe Richelle nous propose de découvrir les années de formation de François Mitterrand, entre 1935 et 1945. Ce dernier était alors agé de 19 ans en 1935. On apprendra qu'il sera notamment fait prisonnier pendant la guerre, puis il s’évadera avant de s’impliquer pour l’aide à la réinsertion des prisonniers sous le régime de Vichy. Outre ses rapports avec nombre de figures historiques telles que le maréchal Pétain, Laval ou Giraud, ce roman graphique donne à voir un leader et surtout un fin politicien en construction.
Etait-il un homme de droite qui allait être un président socialiste ? Oui sans aucun doute au vu des faits énoncés. A l'inverse, son rival de droite à savoir Jacques Chirac était un homme de gauche durant sa jeunesse. On évolue presque tous au cours d'une vie. Les idées politiques de la jeunesse ne se reflètent pas forcément lorsqu'on prend de la maturité. Alors oui, on peut même passer de l'extrême gauche à l'extrême droite. C'est possible. Bref, nous suivons là un parcours presque insaisissable d'un homme qui continue à fasciner.
J'ai bien aimé ce portrait de l'homme que dresse l'auteur (un habitué des récits historiques, voir: Les Mystères de la Cinquième République par exemple). Il réussit à conserver une certaine neutralité de ton pour exposer les faits. C'est important car l'homme a suscité autant l'admiration des français qui l'ont surnommé Tonton que de ses détracteurs qui furent nombreux. Mais quand même, lorsqu'on compare aux deux derniers présidents de notre pays, on ne peut s'empêcher de penser que c'était autre chose de bien plus grand et charismatique. Inutile de préciser que cette réflexion n'engage que moi mais je ne pouvais m'en empêcher...
Le trait du dessinateur est vif mais cela manque parfois de précision. Quant au scénario, il est parfois alambiqué et cela manque de saveur pour plaire au public. Par contre, les passionnés de politique et d'Histoire vont certainement aimer car l'exigence est au rendez-vous. J'ai juste regretté une fin un peu abrupte.