Résumé: 21 février 1944. Le poète Missak Manouchian, communiste arménien à la tête d'un réseau de résistants immigrés est dénoncé et arrêté par les brigades spéciales françaises. Au fil de l'histoire, on croise Jacques Duclos, Louis Aragon, Charles Aznavour, Charles Tillon, le peintre Krikor Bedikian. Peu à peu se dessine le profil étonnant d'un homme bien éloigné de l'image véhiculée par l'Affiche rouge.
L
'entrée au Panthéon du couple Manouchian a été l'occasion de nombreuses publications à leur sujet. Le neuvième art a lui aussi participé à une meilleure connaissance de ces résistants, en touchant à la fois un public large et les passionnés d'histoire. Cet album s'insère dans cette tendance avec un spécialiste de la bande dessinée historique au scénario : Jean-Pierre Pécaud.
L'affiche rouge est un document iconographique connu de tous. Mais qui sont vraiment les hommes visibles sur cet outil de propagande nazie ? Morts pour la France, sacrifiés puis oubliés volontairement jusqu'en 1985, les membres du groupe Manouchian ont payé le prix fort et sont mal connus. Missak, le poète apatride arménien, bascule dans l'action militaire. Son entourage politique l'y aide. Le groupe se forme progressivement.
Les nombreuses productions de Jean-Pierre Pécaud parlent pour lui. Ici, il opte pour un angle d'attaque différent des autres albums consacrés au résistant communiste : qui l'a trahi ? Pour ce faire, le scénariste doit montrer comment fonctionne le réseau des FTP-MOI de l'intérieur plutôt que de traiter uniquement de Missak Manouchian. Ainsi, les lecteurs découvrent comment les membres sont choisis, puis surveillés par les membres du parti communiste. D'ailleurs, il revient sur la lutte interne entre les staliniens et les trotskystes qui fut intense dans cette branche de l'armée de l'ombre. Afin d'apporter les connaissances nécessaires et pour ne pas surcharger les planches par des bulles trop longues, le conteur use d'une astuce qui rompt avec le déroulé chronologique : de temps en temps, les lecteurs se retrouvent sur un plateau télé, non daté mais similaire à ce qui se faisait sur les chaînes publiques à la fin des années 1970 où trois spécialistes débattent. Les échanges polis sont l'occasion d'apporter des précisions, des hypothèses et des clefs de lecture fort appréciables.
Les dessins d'Eduardo Ocana sont d'un académisme fort satisfaisant, tout comme l'organisation de ses planches. Faisant la part belle aux plans américains, cela lui permet d'insérer les nombreuses bulles explicatives en plus de celles des dialogues. C'est le cas lors des scènes hors du temps, dans lesquels les spécialistes reviennent sur les scènes lues précédemment et annonçant celles à venir. Le coloriste contribue à rendre ces passages différents des autres en choisissant le sépia. Pour le reste, Maz joue sur les tons grisâtres qui collent parfaitement à l'ambiance souhaitée.
Missak Manouchian mort pour la France est un album passionnant comportant de nombreuses informations pour mieux comprendre la résistance de l'intérieur. Se basant sur de nombreuses sources, les plus sérieuses, cette bande dessinée ravira les amateurs d'histoires les plus pointues sur le sujet.
Les avis
Erik67
Le 13/10/2025 à 07:31:49
J'avais déjà lu l'année dernière une biographie sur Missak Manouchian au moment même où je visitais le Panthéon pour découvrir que son tombeau y figurait. Il s'agissait de Missak, Mélinée et le groupe Manouchian dont l'auteur était Jean-David Morvan.
Je ne connaissais pas du tout la vie de ce pourtant célèbre résistant qui s'est battu pour notre liberté contre l'oppresseur nazi qui occupait notre pays avec la complicité de Vichy. Il avait échappé au génocide arménien pour finalement tombé sous les SS.
Cette seconde BD sur ce personnage m'a semblé un peu moins austère et sans doute plus animé. C'est également moins formel et didactique et certainement un peu plus concentré sur l'action.
Au moins, ce n'est pas une redite mais un éclairage un peu différent et qui complète le tableau. La différence de thème provient de ce qui ont trahit ce groupe de résistant qui ont été envoyé à une mort certaine. On apprendra que ce sont les communistes russes qui ont, encore une fois, sacrifiés leurs pions humains afin d'avancer sur l’échiquier politique.
A titre personnel, je crois qu'il ne faut pas oublier ceux qui sont battus au péril de leur vie pour que notre pays puisse retrouver la liberté. On a vite oublié ces sacrifices passés de ces hommes qui ont donné leur vie pour que l'on puisse vivre librement en paix. Il ne faudrait pas non plus donner le pouvoir à des politiques avides qui nous entraînerait vers la guerre et la destruction au nom de leurs idéaux quel qu’il soit.