Résumé: En 1874, May Dodd et ses compagnes, toutes internées de force dans des institutions, acceptent un marché insensé : être échangées contre chevaux et bisons pour devenir les épouses de guerriers cheyennes. Officiellement, il s'agit de favoriser l'intégration des peuples autochtones à la société américaine. En réalité, c'est un saut dans l'inconnu, un arrachement, un exil aux confins du monde qu'elles connaissent.
Sous la conduite du charismatique capitaine John Bourke, May et ses compagnes s'engagent dans un périple de dix jours à travers les vastes plaines, en route vers le camp Robinson. Un voyage où l'attente se confond avec l'angoisse, où les rêves de liberté, d'amour ou de rédemption se heurtent à la rudesse du réel. Sur ce chemin semé d'épreuves, naît une sororité de fortune, faite de blessures, d'espoirs et de secrets.
Fascinées autant qu'effrayées, ces femmes vont devoir affronter l'altérité dans ce qu'elle a de plus brut, de plus profondément humain.
Et lorsqu'elles atteignent enfin Camp Robinson, elles découvrent que leurs illusions sont mortes en route : pas de confort, pas de répit, seulement le début d'une autre vie.
A
ccompagnées par une poignée de militaires, douze femmes sont en route vers un campement cheyenne où elles sont promises à des guerriers. Le voyage s’avère long, suffisamment pour se poser mille et une questions, imaginer le pire, avoir peur et rêver d'un avenir souriant. C'est le cas pour May Dodd ; la vie promise sera forcément plus riante que celle offerte par l'institut psychiatrique où sa famille l’avait fait interner.
Kylian signe un scénario lent, presque contemplatif ; de nombreuses planches se révèlent d'ailleurs muettes. Il se passe relativement peu de choses dans ce récit pourtant fort agréable. Des opprimées, prêtes à tout laisser tomber pour aller vers l'inconnu. Malgré les doutes, l’auteur les montre confiantes, déterminées et solidaires. Les compagnes d'infortune créent des liens, se rassurent et s'entraident. Le propos se veut féministe, peut-être le scénariste aurait-il pu traiter cet aspect avec davantage de nuances.
L'histoire, fictive, aborde également le choc des civilisations. Les Caucasiens regardent de haut ce peuple qui, disent-ils, vit à l'âge de pierre. La rencontre entre les femmes et les autochtones sera néanmoins empreinte de respect. Pour tout dire, il y a un peu d'angélisme dans cette vision du bon sauvage, en harmonie avec la nature et porteur de valeurs saines.
Au final, et ironiquement, au-delà des enjeux sociaux, le véritable fil conducteur de ce récit est l'impossible romance entre la protagoniste et John Bourke, le capitaine chargé d’accompagner le convoi.
Le scénariste a souvent la sagesse de poser son clavier et de faire confiance au trait semi-réaliste d'Anaïs Barnabé, laquelle a su magnifiquement traduire les sentiments des héroïnes. Dans leurs regards se lisent l'amour, l'espoir, la terreur et parfois la concupiscence. Les décors apparaissent rares, comme si l'artiste souhaitait éviter de distraire le lecteur, afin qu'il s'attarde aux émotions.
Un propos engagé, juste un peu trop appuyé. Une anecdote si invraisemblable qu'il est presque dommage que ce soit de la fiction.