Résumé: 1874. États-Unis d'Amérique, Washington. May Dodd est incarcérée de force par les siens dans un institut spécialisé dans les déficiences mentales et les troubles psychologiques. Son tort : vivre avec un homme en union libre, contre l'avis de son père et de sa puissante famille. Pour échapper à son supplice et à la violence sourde d'un enfermement qui la tue à petit feu, May accepte de participer à un programme gouvernemental qui prévoit l'échange de mille femmes blanches contre mille chevaux pour favoriser l'intégration des descendants de la nation Cheyenne dans la société américaine. Les femmes qui se porteront volontaires quitteront l'institut et s'embarqueront pour un voyage aux confins du monde dit « civilisé », dans le but de fonder un foyer et de donner un à leur nouvel époux au moins un enfant A nouveau libre, May commence sa nouvelle en consignant ses pensées et ses états d'âmes dans un carnet, puissant témoignage des étapes de son périple humain, intellectuel et sensoriel au sein de la nation Cheyenne, fière, brave, et humaine avant tout. Adapté d'un livre de Jim Fergus, récompensé en 2000 par le Prix du premier roman étranger, Mille Femmes blanches est subtilement mis en scène, à partir d'un scénario de Lylian, majestueusement dessiné par Anaïs Bernabé et teinté des couleurs fines et précises d'Hugo Poupelin. C'est un cri d'amour et de liberté ? celle des femmes comme celle des peuples natifs - mais aussi une ode à la nature et un plaidoyer pour le respect de la vie sous toutes ses formes.
C
hicago, 1873. À la demande de ses parents, May Dodd est internée dans un institut de santé mentale. Le motif : dépravation et perversion sexuelle. En d’autres mots, elle aime un noir, lequel lui a donné une paire d'enfants. Elle y restera deux ans, jusqu’à ce qu’un programme gouvernemental l’invite à s’installer en pays cheyenne. Elles seront mille à faire le voyage, presque toutes blanches. Dans le train les conduisant vers l’ouest, elles savourent un rare sentiment de liberté.
Dans cette adaptation d’un roman de Jim Fergus, Lylian adopte un ton résolument féministe où le sort de la moitié de l’humanité se compare à celui des Afro-Américains et des autochtones. Le texte n’est pas à l’abri de certains clichés. Quand un personnage affirme : « Il faut croire que les hommes savent mieux que nous ce qui se passe dans le corps des femmes », le lecteur a l’impression d’avoir entendu une ou deux fois ce type de réplique. Le mythe du « bon sauvage » se montre également au rendez-vous.
Sous le signe de la langueur, le projet expose l’ambiance étouffante de l’asile, les traitements abusifs et la violence ambiante. En début d’album, quelques planches muettes sont parlantes ; nul besoin de mots pour exprimer l’oppression. Des extraits du journal de l’héroïne permettent du reste d’explorer sa psyché. Le deuxième volet du livre se déroule en grande partie dans un wagon où le rythme demeure lent. Il s’y passe peu de choses, mais les échanges, badins, sont révélateurs de la condition de vie des dames, il y a cent cinquante ans.
Le récit se termine au moment de la rencontre avec les Amérindiens. Il pourrait fort bien s’arrêter là. Une suite est toutefois prévue, le choc des cultures s’annonce fascinant.
Le narration est portée par le beau dessin semi-réaliste d’Anaïs Barnabé. À quelques exceptions près, la direction des acteurs est impeccable, les regards des comédiens apparaissent d'ailleurs particulièrement éloquents. Les décors, soignés, traduisent parfaitement l’esprit des différents lieux. Enfin, le coloriste Hugo Poupelin réalise de jolis clairs-obscurs dans la maison de repos, avant de subtilement éclaircir les teintes lorsque les femmes cheminent vers leur nouvelle vie.
Carton rouge à l’éditeur qui vend la mèche en quatrième de couverture. Pourquoi diable annoncer la chute, plutôt que de laisser les lecteurs l’apprendre en même temps que les protagonistes ?
Le scénario étant inspiré de faits historiques, les États-Unis démontrent, une fois de plus, qu’ils constituent un puits sans fond d’anecdotes étranges et absurdes.