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mour, mort, attente, détresse traversent les sept récits composant Mijeong. Plus ou moins longues et sans véritable thème commun, ces nouvelles ont pour cadre un paysage urbain insensible, indifférent à la misère humaine, affective comme morale. Pourtant chaque protagoniste semble être à la recherche d’une sorte d’absolu ou en quête d’une vie meilleure.
Un peu déroutant, ce manhwa paraît inégal en raison de l’absence de fil conducteur et de la variété des scenarii. Le recours aux non-dits donne à la narration une profonde subtilité et amène, jointe à l’absurde et à un cynisme morbide, des dénouements assez inattendus qui saisissent ou déstabilisent. Mettant en scène quatre adolescents délibérant froidement de la manière de se débarrasser du cadavre de la sœur d’une d’entre eux qui s’est suicidée, « Utility » illustre bien cet aspect de Mijeong. Parallèlement, quelques histoires empreintes d’humour allègent l’impression dérangeante qui se dégage de certaines autres, comme dans « Courage, grand-père ! » avec son vieux chat amoureux de sa maîtresse.
Buyn Buyng Jun (Cours, Bong-Gu !) prouve ici qu’il maîtrise un large éventail de styles narratifs. On retrouve également son goût pour décrire les ambiances urbaines, bien rendues par son trait à la fois incisif, marqué et parfois un peu malhabile. L’auteur apporte un grand soin aux détails et donne ainsi une profondeur, un relief, à la ville. Seul récit en couleurs, « Chanson pour toi » est comme une oasis de tons pastels dans l’ensemble en noir et blanc. Une évasion à plus d’un titre puisque l’histoire se déroule quelque part dans un terrain herbeux et évoque l’Afrique.
Manhwa de qualité, Mijeong pare la collection « Made in » de Kana d’un bel album. A lire nouvelle par nouvelle pour en savourer toute la subtilité.