Résumé: 1948. La création de l'État hébreu ne va pas sans heurts, à commencer par les bombes égyptiennes qui pilonnent régulièrement Tel-Aviv. Tel David face à Goliath, Israël ne peut opposer aux chasseurs "Spitfire" ennemis que quelques vieux « Mezek » pilotés par des volontaires juifs venus de tous les pays, mais aussi par des mercenaires accourus de plus sombres horizons... Björn est l'un de ces goyim venus risquer leur vie pour quelques milliers de dollars, un prix qui reste en travers de la gorge de ses confrères combattant, eux, pour leur idéal !
Yann et André Juillard unissent leurs talents au service d'une véritable épopée, celle des débuts de l'aviation militaire israélienne et nous offrent surtout une puissante et complexe histoire d'amour...
Sans doute fallait-il deux auteurs de cette envergure pour mener à bien une telle entreprise. Non content d'éviter tout cliché ou jugement de valeurs, Yann parvient à mettre en perspective le tumulte qui gronde autour de la naissance du jeune État et celui qui tempête sous le crâne de Björn. Son scénario restitue à merveille la tension qui peut régner sur une base militaire sous pression constante, offrant à André Juillard un magnifique terrain d'expression graphique des émotions. Fort de sa ligne claire parfaitement maîtrisée, le dessinateur est aussi à l'aise avec les corps qu'avec les avions. Il résulte de cet heureux mariage un très grand cru de la collection « Signé » !
P
alestine, 1948. Les avions de l’escadron 101 portent l’étoile de David sur leurs dérives. Cet embryon d’armée de l’air du tout jeune État d’Israël compose avec les moyens du bord pour combattre aussi bien les ennemis extérieurs que les factions dissidentes qu’a engendrées cette aventure nationaliste. Mal équipés et plombés par les relations tendues entre des mercenaires aguerris et de jeunes loups à peine formés, ces équipages doivent compter autant sur la chance que leur aptitude pour accomplir leurs missions.
Après plus de trente ans de métier et de succès, Yann rend une copie des plus réussies avec Mezek. S’il a déjà approché la chronique à saveur historique dans Pin-Up et Le Grand Duc, il est surtout connu pour son humour au vitriol (La patrouille des Libellules, Les Innommables). Pour cet album, il utilise, avec beaucoup d’intelligence et de doigté, le contexte de la naissance d’Israël et de ses démêlés avec ses voisins pour ancrer son scénario. Malgré ce sujet, encore très sensible aujourd'hui, il parvient à éviter toute polémique sur le rôle ou la responsabilité de chacune des parties dans ce conflit.
Le nœud de l’intrigue reste assez simple. Björn, un mercenaire suédois, grand connaisseur des Mezek - les seuls aéroplanes que les Israéliens, alors sous boycott international, avaient pu se procurer – vit avec un lourd secret. Malgré son statut d’as du pilotage, il est constamment, au même titre que ses collègues soldats de fortune, houspillé par les membres israéliens de l’escadron. De plus, une série de sabotages rend les missions encore plus mortelles. Jean-Michel Charlier n’aurait pas fait mieux. Yann a habillé son récit de plusieurs éléments historiques (la lutte fratricide avec l’Irgoun, les astuces, dignes de Pappy Boyington, qu’utilisèrent les Israéliens pour s’armer, etc.) d’une manière très convaincante et passionnante. Seul bémol à l’ouvrage, l’avalanche de dialogues qui noie littéralement certaines planches. Ces explications, sans doute nécessaires pour bien appréhender les forces en présence, auraient peut-être gagné à être regroupées dans un lexique séparé.
André Juillard illustre ce récit avec classe et fait preuve d'une assurance impressionnante. Après avoir posé les bases graphiques de la BD historique moderne avec Les 7 vies de l’Épervier et su imposer sa patte à la reprise de Blake et Mortimer, il aborde ce nouvel univers sans complexe. Toute la partie « technique » (les avions, les uniformes et les décors en général) respirent l’authenticité. Le découpage, très classique, est une leçon de lisibilité et de clarté. Les pinailleurs trouveront que les personnages, les femmes particulièrement, reprennent, album après album, la même formule graphique. Plus qu’un réel défaut, il s’agit plutôt de l’expression d’un style parfaitement maîtrisé et assumé.
Bref, Mezek est un album de très haut niveau par deux auteurs en pleine possession de leur art. À lire attentivement.
La preview
Les avis
Shaddam4
Le 19/10/2024 à 11:16:30
L’histoire suit un pilote suédois qui fait des miracles dans cet embryon d’armée qui doit résister aux attaques des arabes et aux manigances de l’Irgoun, ce groupe paramilitaire suprémaciste qui assume l’élimination des arabes pour fonder le Grand Israël. Présentant la guerre froidement, dans toute sa violence brutale, imprévue et inéluctable, les planches de Juillard sont d’une efficacité clinique, alternant dans une étrange atmosphère estivale les séquences militaires très lisibles et les débats fort bien écrits sous la plume de Yann, entre ces goys qui tiennent l’existence de la jeune nation à bout de bras et ces jeunes juifs fiers, mélangés entre fanatiques, mystiques et socialistes.
Ainsi l’album retranscrit parfaitement ce patchwork de personnes venues de partout, de toute influence, toute idéologie, certains nés en Palestine et qui livrent une guerre de basse intensité dans une ambiance de boy-scouts flirtant dans la chaleur de la méditerranée et ramenés à la réalité par les drames soudains. Entre les batifolages du personnage principal, ses mystérieux cauchemars et la vie quotidienne du bataillon, l’histoire de ces Mezek, cercueils volants rachetés à bas prix en Europe et dont la fiabilité semble tuer plus de pilotes juifs que d’adversaires…
On savoure ainsi autant les superbes planches d’André Juillard (qui montrera encore avec son acolyte son amour pour l’aviation sous la Guerre d’Espagne) que le scénario et les dialogues de Yann entre marivaudages et espionnage clinique. Dans un parfait équilibre entre l’Histoire, l’action, la sensualité (car n’oublions pas que Juillard aimait les beaux corps), ce Mezek est donc un franc succès digne de la collection et d’un remarquable équilibre, donnant autant envie de se documenter plus avant sur la période que de poursuivre l’exploration de la biblio d’un grand maître.
Lire la chronique complète sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/10/11/mezek/
Touriste-amateur
Le 08/10/2023 à 11:01:51
J'ai beaucoup aimé cet album pour sa part de polar, d'aventure et de géopolitique.
Je ne mets que 3étoiles car, d'une part, les dessins sont parfois un peu trop pastel et manquent de détails et, d'autre part, parce que le scénario est à certains moments un peu confus.
Mais il est à lire!
Erik67
Le 25/11/2020 à 15:15:28
Je n'ai pas été tout de suite attiré par les premières pages où le héros blond suédois est en fait un homme. On aurait pu sérieusement en douter. Il est surtout un mercenaire qui se bat pour défendre la jeune nation israélienne en proie aux attaques de ses voisins. Peu de bd évoque la naissance de cet état qui va tant faire parler de lui. C'est plutôt passionnant et instructif pour ceux qui aiment l'Histoire et l'aviation.
Cette bd sera loin d'être parfaite car il demeure quelques zones d'ombre mais elle apportera son lot d'aventures et de rebondissements. La lecture a plutôt été assez agréable dans l'ensemble. Ce sont des auteurs que j'aime bien. Cette association a plutôt été fructueuse.
Mercutio_Untold
Le 01/08/2015 à 21:42:22
Une superbe bande dessinée sur fond de guerre israelo-arabe de 1948-1948. On suit les débuts difficiles de l'aviation de guerre du jeune état tout juste proclamé : embargo sur les armes, matériel défectueux , pilotes locaux inexpérimentés, recours au mercenariat...
Mais, il ne faut pas se tromper. Comme le précise André Juillard dans la postface, les vedettes sont les personnages : Oona, Tzipi, Fabrice et Björn. Et plus précisément, Björn et son secret.
Peut-on se racheter d'un acte de lâcheté et de la honte qui en résulte ? Peut-on échapper à son passé ? Les tourments du personnage principal s'entremêlent avec la grande histoire. La tension dramatique monte lentement puis s'accélère au fur et à mesure des révélations. Un événement va dévoiler une partie de son secret et précipiter le dénouement. On tremble pour Björn le pilote mercenaire.
Le scénario de Yann est très bien ficelé et documenté. Par sa densité, il mérite une seconde lecture. Les dessins d'André Juillard sont superbes avec des clins d'oeil à Blake et Mortimer que l'on aperçoit même page 35. La sensualité de son trait s'exprime merveilleusement à travers ses jolies héroïnes (Oona Tzipi et Jackie). Bref, un album à posséder.
lillois
Le 19/02/2015 à 11:17:54
très bonne histoire , avec des dessins d'une grande qualité , l'histoire relativement méconnue des débuts de l'armée de l'air israélienne, l'as israélien mody allon et sa fin tragique sur un avia S199 tchèque ( version indigène du messerschmitt 109) appelé "mezek" qui en hébreu veut dire "mulet", ce qui résume bien ce que pensaient les pilotes aux commandes de cet appareil ....enfin tout ça pour dire que c'est un très bon livre digne de figurer dans une bédéthèque de qualité
roch59
Le 10/03/2013 à 07:37:42
Très bon scénario avec un dessin tout aussi bon, pour une histoire humaine sur fond de conflit encore vif de nos jours....Hommes et avions sont uns dans cette BD, qui est un véritable petit régal...
ambd57
Le 11/02/2013 à 16:13:46
Une excellente bande dessinée comme on aimerait en voir plus Epoque peu connue, bon scénario, bons dessins. A lire absolument.
Hugui
Le 05/06/2011 à 19:13:44
On reconnait la patte de Yann dans le très bon scénario qui n'est pas loin de celui du Grand-Duc avec ce pilote tourmenté par son passé qui tente de se racheter par une conduite exemplaire dans les combats aériens des débuts de l’État d'Israël.
Et comme c'est Juillard au dessin, cela donne un très bon album.
Les personnages sont intéressants, le fonds historique instructif, au total même si ça démarre doucement, cela devient incontournable pour les amateurs de bd historique comme moi.
herve26
Le 17/05/2011 à 22:14:45
Un album signé Juillard et Yann , en plus sur le thème de l'aviation, ne peut se refuser.
En outre, la période traitée -les débuts d'Israël en tant que nation- reste à ma connaissance rarement traitée en bande dessinée.
Yann nous a concocté un scénario intelligent qui oscille entre le destin d'une nation et celui de Björn, aviateur tiraillé par son passé.Les dialogues sont riches, denses, et il faut vraiment prendre son temps pour lire cette bd. A la fois instructif, distrayant et surtout bien dessiné, ce one shot est tout bonnement réussi.
Dégagé du cahier des charges de "Blake et Mortimer", Juillard se donne à coeur joie pour dessiner avions et personnages (surtout les femmes, qui semblent moins figées par exemple que dans "le long voyage de Léna" , mais ne peut s'empècher d'un sympathique clin d'oeil à la série d'Edgar P. Jacob (pour ceux qui ne l'avaient pas vu, jetez un regard à la page 35 et vous découvrirez deux célèbres personnages....).
J'ai passé un très agréable moment à la lecture de cet album.