L
ars Ulrich, James Hetfield, Cliff Burton, Kirk Hammett. Quatre noms qui ne disent probablement rien au commun des mortels. Pas plus que Dave Mustaine, Jason Newsted ou Robert Trujillo. Ils sont les acteurs d’une aventure musicale et humaine hors norme, passée à la postérité sous le nom de Metallica. Ce patronyme a d’abord été destiné à un personnage de bande dessinée, robot surpuissant qui ne verra jamais le jour. Il incarnera la puissance et le métal dans le monde de la musique.
En 1981, le Recycler, journal d’annonces californien, fait paraître le message d’un jeune batteur débarqué de son Danemark natal, Lars Ulrich, recherchant des musiciens pour jouer du Métal. Il ne maîtrise pas très bien son instrument mais a une vision précise de la musique qu’il veut produire. Le premier album arrivera deux ans plus tard ; trois de plus verront arriver un disque de platine. Cinq supplémentaires et le groupe accouche d’un monstre vendu de nos jours à plus de vingt-deux millions d’exemplaires. En 2018, il remplit encore stades et arenas sans difficultés.
Quel est donc l’intérêt de mettre en images une telle épopée ? Les chiffres n’ont qu’un intérêt relatif, l’image peine à rendre compte de quelque musique que ce soit et les affres de son business ne font pas une histoire solide. La réponse est à chercher dans une aventure, une succession de faits, qui met à l’épreuve l’humanité de chacun des individus y prenant part. Elle leur fait toucher leurs limites, voire les dépasser. Il s’agit de la tragédie du 26 septembre 1986, qui voit la sortie de route du bus emmenant le combo leur enlever leur bassiste et ami. C’est aussi l’addiction du chanteur à l’alcool ou la prise de conscience de la vacuité de l’argent et du cirque Rock‘n’Roll. Est abordée la situation du complice de la première heure, dont il a fallu se séparer à cause de son comportement, mais qui crée un sentiment persistant de culpabilité. Sont évoqués d’autres deuils plus intimes, mais définitivement marquants.
Jim McCarthy, journaliste musical et scénariste de comics (2000 A.D. et Animal Man), et le dessinateur Brian Williamson (Doctor Who) rendent, par leurs choix de narration, de cadrages et de mots, une énergie et une violence qui doit plus aux personnalités qui en sont à l’origine qu’à la musique en question. Celle-ci n’est, au final, que l’expression d’une colère intime, d’une incompréhension du monde et d’une révolte inextinguible. Les différents retours sur l’enfance de chacun sont, à ce titre, particulièrement pertinents. Pas de démonstration, ni d’apologie, mais l’histoire d’adolescents qui ont eu un rêve et ont mis à genou la planète avec une musique qui aurait dû les confiner dans l’underground, qui ont bousculé les conventions, mais aussi qui dévoilent, via leur art, leurs excès, leurs faiblesses et leurs envies.
Certes, ceux qui ne sont pas initiés aux arcanes de ce groupe référence auront certainement du mal à décrypter et apprécier cette mise en image percutante. Par contre, les aficionados se régaleront d’une mise en lumière inédite, qui évite toute facilité et se démarque intelligemment des documents déjà mis à la disposition du public. À lire en réécoutant à fort volume la discographie des four horsemen.