Info édition : Mention "Première édition". Dos toilé vert.
Résumé: Dans la région de Gris, saignée à blanc par les taxes qui financent une guerre lointaine, le chevalier Pierre de Brume est ramené à la vie par Marion, la guérisseuse qu'il a abandonnée il y a longtemps de ça. Tandis que la forêt s'agite et que le peuple gronde, les anciens amants sont rattrapés par le passé et la violence qu'ils ont fui toute leur vie.
C
riblé de plusieurs flèches à la guerre, considéré comme mort par nombre de ses compagnons, Pierre de Brume est ramené sur le domaine de Val de Brume par Will. Son père Robert est le seigneur local. Il exige que Marion, une guérisseuse, vienne à son chevet. Après plusieurs jours d’incertitude, l’héritier est sorti d’affaire. Malgré lui, le voici donc de retour sur ses terres natales. La Province de Gris, cible de nombreuses invasions depuis le début du Vème siècle, est plus morne que jamais et la colère gronde chez le peuple. Les taxes sont devenues insoutenables, la noblesse est violente et méprisante tandis que l’Église est toujours plus inflexible. Dans la forêt de Malvern, une farouche soif de liberté est en train de naître.
Entre 2022 et 2023, Sylvain Ferret œuvrait pour la première fois comme auteur complet avec une trilogie d’anticipation : Talion. Pour cette nouvelle aventure seul aux manettes, l’auteur explore la fantasy moyenâgeuse dans tout ce qu’elle peut avoir de noir. Les premières pages donnent d’emblée la tonalité de l’ensemble. Blanche et son père, accompagnés de Marion, traversent une forêt enneigée pour aller déposer une offrande aux fées. Mais le sacrifice prend une tournure aussi inattendue que cruelle. La suite de l’histoire reste dans la même veine et la violence est omniprésente, comme un héritage qui se transmet de générations en générations et se répand dans toutes les catégories de la société. Soulignant à quel point la vie peut être brutale et injuste, Sylvain Ferret ne laisse entrevoir aucune véritable source d’espoir dans ce one-shot qui mêle tragédies familiales, combats politiques et drame amoureux.
De retour au pays, Pierre met son épée au service du bailli avant, finalement, d’être considéré hors-la-loi. Sans le savoir, lui et Randolf s’engagent dans une lutte de pouvoir à distance mais également dans une forme de triangle amoureux autour de Marion, dont les deux hommes sont épris. Que les bédéphiles se rassurent : aucune mièvrerie n’est de mise. Portant bien son nom, Mémoires de Gris est un récit où le noir et le blanc n’ont pas leur place, où le manichéisme est exclu. Tout est, ici, affaire de nuances. Personne n’est ni véritablement héroïque, ni singulièrement ignoble. Après quelques pages où le lecteur doit s’accrocher pour ne pas se perdre, toute cette complexité s’exprime. Sylvain Ferret gère avec brio le rythme de ses révélations et retrace progressivement le passé et les liens qui unissent les protagonistes. Il use pour cela de nombreuses analepses à l’identité graphique singulière. Plusieurs intrigues sont ainsi enchâssées et un grand nombre de sujets abordés dans cette sombre fresque médiévale.
Forme d’interprétation libre et personnelle du mythe de Robin des Bois, Mémoires de Gris est une lecture particulièrement marquante.
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Les avis
Erik67
Le 23/10/2024 à 07:10:42
On est dans un monde du Moyen-Age assez difficile pour les pauvres qui sont maltraités aussi bien par les seigneurs de la noblesse que par le clergé car le pouvoir monte toujours à la tête des hommes en usant. Les premières scènes donnent une tonalité plutôt très rude à ce récit.
Il y a par ailleurs un côté assez Robin des Bois avec un univers forestier réservé à une frange de la population laissée pour compte et qui va s'approprier les lieux. En effet, le territoire de Gris est soumis à des taxes impitoyables qui appauvrissent davantage le peuple. La révolte gronde un peu en attendant le soulèvement.
On va suivre le chevalier Pierre de Brume qui a été ramené à la vie après avoir mené la guerre des croisades. Il revient sur ses terres ancestrales et souhaite revoir une guérisseuse à savoir Marion qu'il a jadis connu étant enfant. Cependant, on ne peut pas dire qu'il reçoit un accueil très chaleureux mais il l'a bien cherché.
J'ai été assez surpris par une colorisation plutôt terne mais qui souligne ces nuances de gris qui baigne cette seigneurie violente et aride. Le dessin bien que sombre reste quand même assez dynamique avec un soin du détail apporté à chacune des planches. Mention spéciale également à la couverture que je trouve assez réussie. Le seul bémol que je mentionne concernerait le visage des personnages dont l'expressivité pourrait être sans doute encore améliorée.
Par ailleurs, on relèvera une certaine construction du récit qui semble prendre son temps pour diffuser dans cet atmosphère assez lourde et violente du Moyen-Age avec ses croyances reculées face à un christianisme en plein essor. Certes, le schéma narratif reste des plus classiques mais on sent une certaine maîtrise.
En effet, il faudra rester bien accroché pour comprendre les différentes alliances qui se nouent et parfois les retournements de situation. Il y a également une incursion du fantastique alors que le monde décrit se voulait assez réaliste de la période considérée.
Au final, un beau récit porté par un macabre poétique...