Résumé: Attaché au Vietnam et aux destins brisés de ses ressortissants, Clément Baloup continue de mettre toute sa sensibilité au service du souvenir de ceux qui se sont arrachés à leur terre natale.
Dans ce 3ème volume des Mémoires de Viet Kieu, Clément s’intéresse en particulier à celles que l’on nomme les « Mariées de Taïwan » : ces jeunes Vietnamiennes victimes d’un phénomène qui commença à la fin des années 90, lorsque plusieurs agences matrimoniales virent le jour au Vietnam pour organiser des rencontres avec des hommes taiwanais...
Ainsi des milliers de jeunes femmes, issues de milieux pauvres et campagnards, se mirent en quête d’une échappatoire vers une vie meilleure à travers ces mariages négociés.
Mais tout cela ne fut-il pas qu’un miroir aux alouettes ? Une illusion cruelle ?
Des témoignages rares et intimistes, captivants de bout en bout.
L
inh vient d'avoir dix-huit ans. La jeune Vietnamienne retrouve ses amies dans un café pour fêter l'évènement quand elle est abordée par une étrangère aux lunettes noires, Madame Zieu. La mystérieuse convoyeuse va déployer tout un art pour démontrer et convaincre l'adolescente qu'il lui serait facile d'avoir une belle vie, ailleurs. Comment ? En épousant un des nombreux riches taïwanais en attente de compagne. Sous le couvert d'agences matrimoniales se cache un véritable commerce de mariages arrangés, pour le meilleur... et surtout pour le pire.
Troisième volet de la série des Mémoires de Viet-KIeu, ce docu-fiction met en évidence un phénomène inquiétant, commencé vers la fin des années 90 en Asie : l'exil plus ou moins forcé de femmes issues majoritairement de milieux pauvres et campagnards vers Taïwan, dans l'espoir naïf d'un échappatoire vers une existence de rêve. Clément Balou invente le personnage de Linh pour décrire le destin typique tout à fait réaliste d'une victime de cet abus de confiance, ce miroir aux alouettes qui aveugle sans concession. Pas de misérabilisme, juste un quotidien crédible et malheureusement fréquent, entrecoupé de témoignages réels en pleine page. Beaucoup de filles avouent leur naïveté, la majorité sont résignées, quelques unes se sont révoltées, rares sont les heureuses, mais toutes sont solidaires. L'habilité et l'originalité du récit tient dans la retranscription en images de l'histoire de Linh. En effet, l'auteur insère grâce à son trait inventif une subtile dose de surnaturel en caricaturant des visages (tête d'animaux pour certains protagonistes) ou en faisant parler des démons du folklore local. Cette touche d'onirisme permet l'utilisation de jolies métaphores visuelles et rend surtout plus supportable la dureté du sujet. La mise en couleurs est superbe, douce et lumineuse. Elle contribue à l'immersion instantanée dans l'ouvrage. Les solutions existent, comme le montre la fin de l'ouvrage, la liberté et l'indépendance sont possibles.
Voici un travail remarquable de Clément Balou, qui continue son étude sur les différents visages de l'exil vietnamien. Avec un ton juste et sincère, ainsi qu'une interprétation graphique audacieuse, Il met en lumière un sujet toujours tabou, ces Mariées de Taïwan, des unions forcées qui cachent un véritable trafic humain. Un quatrième tome est en préparation (cf :[url]blob:F4F82D43-F910-4765-8818-81B10F973817[/url]).